Bien qu'il soit omniprésent dans la campagne des législatives à moins d'une semaine du scrutin, et bien que tous les sondages donnent sa formation largement en tête, le président Poutine poursuit activement son rouleau compresseur contre l'opposition dont l'un des dirigeants, le champion d'échecs Garry Kasparov, a été condamné samedi à cinq jours de prison à l'issue d'une manifestation contre le Kremlin. Des dizaines d'opposants ont été interpellés et certains battus par la police anti-émeute à Saint-Pétersbourg avant une marche interdite contre le président russe. Les opposants déclarés au président russe, quasi inexistants sur les chaînes de télévision, en sont réduits à manifester dans la rue pour se faire entendre. Et, ils ne drainent pas de foules. L'autre Russie, dirigée par Garry Kasparov, n'arrive pas à rassembler plus de 1 000 personnes dans Moscou. C'est dire tout le poids de la répression, les manifestations sont assorties d'autorisations que le pouvoir ne donne pas. Le président russe a accusé ses opposants d'être des “chacals” en quête de financements étrangers et de préparer des provocations en descendant dans la rue, comme ils l'ont appris auprès de spécialistes occidentaux ! Ses déclarations cinglantes ne s'expliquent pas dans le contexte de la compétition électorale où, à vrai dire, il n'y a pas de concurrents, l'opposition politique étant très faible parce que combattue systématiquement. Poutine s'adresse aux Russes qu'il sait acquis à l'Etat paternaliste, comme ils l'ont souvent fait dans leur histoire, en y sacrifiant leur libre arbitre, estiment des spécialistes de ce pays. Deux électeurs sur trois (67%) ont l'intention de voter pour le parti pro-Kremlin Russie unie, dont le président Vladimir Poutine conduit la liste aux élections, selon le centre indépendant Levada, pour qui, en Russie, les élections se présentent traditionnellement comme une démonstration de loyauté envers le pouvoir. Les Russes, ajoute un sociologue, ont gardé la mentalité de l'homo sovieticus : la fidélité au pouvoir autoritaire est une vieille tradition. Le fameux esprit communautaire si ancré chez les russes a retardé la formation de l'individualisme, ajoute-t-il. Après la perestroïka des années 1990, Poutine a renoué avec le modèle de l'Etat paternaliste et autoritaire, faisant assimiler les libertés “importées” d'Occident au chaos et l'opinion, selon les sondages, a fini par préférer la stabilité et les leaders qui promettent des réformes ne remuent plus les foules. Le phénomène a touché toutes les couches sociales, y compris le monde des affaires, que Poutine a mis au pas. L'élite administrative entend également préserver le statu quo : 65 gouverneurs (sur 85 chefs de régions russes) dirigent les listes locales de Russie unie. D. B.