M. Mohamed Guernaout, économiste spécialiste de la finance, estime que seule la crise de subprimes (crédits accordés à des clients à risques élevés), qui secoue l'économie mondiale, notamment aux Etats-Unis, est à l'origine de la décision du gel de la privatisation du Crédit populaire d'Algérie (CPA). Pour lui, seule cette raison concrète et réelle a poussé le ministère des Finances à geler l'ouverture du capital du CPA. M. Guernaout précise que cette crise a eu des méfaits importants et engendré des pertes avoisinant les 1 500 milliards de dollars. Elle a entraîné des banques européennes, japonaises, aux USA et a fait réagir les banques centrales de beaucoup de pays. “À mon sens, c'est la seule explication crédible que l'on peut donner à la suspension de la privatisation du CPA. Les autres arguments ne peuvent être que des spéculations”, précise cet expert. Pourquoi avoir attendu jusqu'à deux jours avant la séance d'ouverture des plis des offres techniques et commerciales des soumissionnaires pour annoncer cette mesure, alors que la crise a commencé déjà dès l'été dernier ? À cette question, M. Guernaout avoue que la décision du point de vue technique serait déjà prise par la tutelle. Or, une telle suspension dépasse les prérogatives d'un ministère et nécessite l'aval des responsables politiques, à leur tête la Présidence. Et le “circuit” politique reste toujours, selon lui, lent. L'autre paramètre qui a motivé la suspension est que les banques en course pour la privatisation du CPA ont subi les conséquences de cette crise. Ainsi, BNP Paribas a enregistré des pertes de l'ordre de 100 millions d'euros. Cette banque a gelé par conséquent trois fonds d'investissement. Celles de la Société Générale sont d'environ 80 millions d'euros et celles du Crédit Agricole de 250 millions d'euros. Dans un marché financier en déprime ou en “détresse”, affirme l'économiste sur les ondes de la radio Chaîne III, les offres des prétendants à la reprise du CPA ne peuvent être que d'un niveau faible. “Si l'on présente le CPA aujourd'hui pour l'ouverture de son capital, c'est clair, on ne récoltera que des clopinettes”, indique-t-il. Ces conséquences cibleront aussi inévitablement le projet de privatisation de la Banque de développement local (BDL) décidée par les pouvoirs publics. Le recul du gouvernement quant à la concrétisation de ces deux opérations est justifié, explique l'économiste, et n'affectera pas la crédibilité de l'Etat. Si les Américains continuent à prendre des mesures à travers une baisse des taux d'intérêt bancaires, relève-t-il, la crise persistera davantage. Le dollar poursuit également sa dépréciation par rapport à la monnaie européenne. L'euro frôle de nos jours 1,50 dollar. L'incidence de cette crise sur l'Algérie, ajoute-t-il, ne se ressent pas uniquement à travers le report de la privatisation du CPA et de la BDL. Son impact négatif touche, en outre, la balance des paiements et les réserves de change. Une certaine partie du capital est, en effet, perdue suite à la chute du dollar. “Les enjeux de l'économie mondiale sont encore flous, mais les conséquences de la crise de subprimes sont, elles, importantes”, constate M. Guernaout. Badreddine KHRIS