La décision prise, il y a deux jours, par les pouvoirs publics de geler l'ouverture du capital du CPA est, tout à fait, liée à la crise des "subprimes", le reste des commentaires n'étant que spéculation. Il faut se limiter à l'essentiel de cette décision assure M. Mohamed Ghernaout économiste, spécialiste de la finance. Celui-ci, qui intervenait hier sur les ondes de la Radio Chaîne 3, a été catégorique pour dire que c'est là, la seule explication visible qu'on peut donner à cette décision des autorités algériennes. La place financière internationale tangue depuis l'été dernier au rythme de la crise des crédits hypothécaires à risque, par l'entreprise de nouvelles et de possibles dépréciations d'actifs de banques américaines. Néanmoins l'Algérie a attendu d'arriver à la fin du processus pour annoncer le gèle de l'opération. A ce sujet, M. Ghernaout indique que " la décision technique était prise bien plus tôt. Une décision très importante, qui ne peut pas être prise par un ministre. C'est une décision qui devait avoir l'aval du "politique". Je ne vois pas d'autres raisons, c'est la seule raison qui serait crédible". Ce spécialiste des questions financières voit, également le recul du gouvernement algérien sur la privatisation du CPA à travers les banques qui ont émis des offres pour reprendre le CPA. " Toutes les banques qui sont en course pour la prise du CPA ont été touchées de manière directe ou indirecte par la crise au Etats-Unis. Dans un marché en déprime et en détresse, l'offre n'a été que d'un niveau très faible ". Cette annonce n'a eu aucun effet négatif sur le processus des privatisations en Algérie "ce n'est pas de cette manière que les gens voient la chose. Si les banques qui se trouvent aujourd'hui en course pour le CPA n'ont pas encore réagi, la décision est positive et cela veut dire positivement qu'il n'y aura pas d'effets négatifs. Le secteur est en détresse et ce n'est pas la peine de présenter la banque sur le marché de la vente". Il reconnaît, par ailleurs, que cela va avoir une incidence sur la BDL. Il estime que la crise des subprimes va encore durer. D'après lui, si les Américains continuent à prendre des mesures, notamment à travers des taux d'intérêt bien que la situation est très difficile, cela veut dire que "la crise persiste. On l'a vu à travers le taux de change, le dollar continue de chuter par rapport à l'euro, il a frôlé le 1,50 dollar pour un euro. La communauté économique européenne ne voit pas plus clair, la situation va persister", souligne-t-il. "L'incidence sur l'Algérie ne se limite pas uniquement au report des privatisations du CPA et de la BDL, mais aussi, on a eu des incidences négatives sur la balance des paiements, sur les réserves de change. On souhaite que cette crise ne va pas persister, sinon l'effet négatif sera encore dur pour nous". Le secteur financier est en détresse, les transactions dans les institutions financières, qui se font en achat-vente vont stopper les crédits et même d'autres opérations, laisse entendre M. Ghernaout qui ajoute, qu'aujourd'hui, on commence à parler "de crise économique mondiale. Cela se comprend eu égard aux mesures qui sont prises par les Américains. Malgré une reprise de l'inflation aux Etats-Unis, les Américains continuent à faire baisser les taux d'intérêt bancaires pour essayer de desserrer l'étau autour de cette crise des subprimes". Mais encore une fois, les enjeux à travers l'économie mondiale sont très flous et il est clair que les conséquences sont très importantes, estime ce spécialiste. De son point de vue, cette détresse financière n'a pas encore été débattue en Algérie. Or, c'est justement la gestion des réserves de change. "Un volet qui n'est pas assez clair. Il faudrait qu'on prenne le soin de débattre de ce point-là. Le problème est d'ordre mondial et la solution ne peut être que mondiale. On a vu à travers tout ce qui a été fait pour essayer de résoudre le subprimes et à travers les intentions des banques centrales américaines mais aussi européennes, japonaises et de notre pays, mais ce problème ne peut pas être résolu à l'échelle d'un pays". Concernant le placement de réserves de change algériennes sur le marché américain, il estime que ce n'est nullement une erreur. "Ce n'est pas uniquement l'Algérie qui place ses réserves de change aux Etats-Unis ; les Chinois, les Saoudiens, les Koweïtiens, placent aussi leurs réserves de change dans ce pays car, c'est l'économie la plus forte actuellement". Il souligne à cet effet : "Si demain l'Algérie retire les 45 milliards de dollars de la Banque américaine (45 milliards ce n'est rien du tout) mais cela ne peut entraîner qu'une nouvelle baisse du dollar, cela va avoir des effets négatifs sur nos réserves de change. Il n'y a pas d'économie qui puisse absorber autant de change que celles des Américains". La crise des subprimes qui a fait chuter la valeur du dollar est à voir sous un autre angle. "Il y a un problème de politique monétaire. La politique monétaire américaine a tendance à être la locomotive et à pousser la croissance économique par contre les Européens ont tendance à jouer un peu pour essayer de réduire l'effet dans leurs économies. Une baisse des taux d'intérêt aux Etats-Unis impliquera automatiquement une baisse des avoirs de l'Algérie sur les dépôts aux Etats-Unis" a conclu M. Mohamed Ghernaout.