L'Afrique attend toujours d'être considérée comme un continent souverain. L'Union européenne saura-t-elle transcender ses préjugés néocolonialistes pour fonder avec ses voisins du Sud des relations justes, équitables et mutuellement avantageuses ? Les dirigeants de l'Union européenne le jurent d'autant plus que le continent noir est l'objet aujourd'hui de nouvelles rivalités pour ses innombrables richesses et son marché de la consommation pratiquement vierge. Les bureaucrates de Bruxelles n'avaient pas cessé, juste avant l'ouverture du sommet de Lisbonne, d'alerter sur l'avancée de la Chine en Afrique. Allant jusqu'à faire de la propagande contre l'implantation des Chinois en Afrique abusant des histoires de contrefaçon et de corruption pratiquées par le nouvel arrivant. Et il n'y pas que la Chine. Les Etats-Unis sont revenus en force avec l'objectif stratégique d'installer des bases militaires dans le Sahel pour compléter son dispositif. Washington possède une gigantesque base en Afrique de l'Est et envisage d'installer une autre en Afrique centrale, du côté du Congo, le dossier vient d'être ouvert par la secrétaire d'Etat américaine, Condolezza Rice. Le second sommet UE-Afrique devait s'achever hier à Lisbonne où étaient présents près de 70 chefs d'Etat et de gouvernement, dont Abdelaziz Bouteflika. Il n'y avait que la Grande-Bretagne à ne pas être représentée à un haut niveau, le gouvernement de Gordon Brown ayant refusé de s'asseoir à la même table que le président Mugabe, soumis à des sanctions européennes pour violations des droits de l'homme. Ce sommet, sept ans après une première édition en 2000 au Caire, avait pour ambition d'ouvrir une nouvelle ère en instaurant un véritable partenariat entre les deux continents. Ce sommet est un sommet entre égaux. Nous sommes tous égaux ici, devait insister le Premier ministre portugais et président en exercice l'Union européenne (UE), José Socrates, lors de la cérémonie d'ouverture et tout au long des travaux. Il a essayé d'assurer que ce sommet ouvrait quelque chose de nouveau entre l'Europe et l'Afrique. Le commissaire européen au Développement, l'ex-ministre belge des Affaires étrangères, Louis Michel, un politique peu conformiste par rapport à la langue de bois européenne, n'arrêtait pas de déclarer que l'objectif était de consacrer un changement de nature de la relation entre l'Afrique et l'UE, qui doit devenir politique et qui, pour ce faire, se doit de traiter de tous les sujets, des plus faciles à ceux sur lesquels il est plus difficile de trouver un accord, comme la situation au Darfour, les droits de l'homme et la gouvernance. Outre Socrates, devaient s'exprimer le président en exercice de l'Union africaine (UA), le président ghanéen John Kufuor, le président de la Commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président égyptien Hosni Moubarak, en qualité de président du premier sommet organisé en Egypte. Ont suivi des séances plénières à huis clos sur cinq thèmes : “Paix et sécurité”, “Démocratie et droits de l'homme”, “Commerce et développement”, “Changement climatiques/énergie” et “Migrations et emplois”. Le sommet devait être clôturé par l'adoption d'une stratégie euro-africaine conjointe, accompagnée d'un plan d'action définissant huit partenariats prioritaires à mettre en œuvre dans les trois ans, avant un prochain sommet, théoriquement prévu en 2010 en Afrique. Mais toutes ces bonnes intentions restent à être vérifiées sur le terrain. D. Bouatta