Tout indique que la crise économique internationale provoque un ralentissement économique mondial important qui sera de longue durée et l'Afrique en ressent de plus en plus l'effet négatif, déclare le secrétaire général adjoint de l'ONU, haut représentant pour les pays les moins avancés (PAM) et les pays en voie de développement sans littoral, et conseiller spécial pour l'Afrique, Cheick Sidi Diarra. Le plus grave, a expliqué M. Diarra au cours d'un entretien qu'il a accordé à Afrique Renouveau, c'est que ce ralentissement fait baisser les cours des produits d'exportation, «base principale des économies africaines». Les pays développés sont également plus enclins à «accorder la priorité à leurs marchés internes», ce qui exacerbe la baisse de l'investissement étranger direct en Afrique. Dans le domaine commercial, la tendance des économies développées plus riches à subventionner leurs propres agriculteurs affaiblit depuis quelque temps la capacité des exportateurs africains à être compétitifs sur les marchés mondiaux. Certains pays africains se plaignent que les membres de l'Union européenne (UE) commencent même à augmenter ces subventions. Pour le moment, les 33 pays les moins avancés (PMA) d'Afrique bénéficient toujours d'un accès préférentiel aux marchés des pays industrialisés, qui laissent entrer 97% des exportations des PMA sans leur imposer de droits de douane ou de quotas. Mais face à la crise, «cette politique risque d'être annulée», craint M. Diarra, «ce sont des choses auxquelles il faut s'attendre. Il pourrait y avoir plus de protectionnisme.» Solidarité Nord et Sud Bien que certains dirigeants africains aient évoqué la possibilité que les pays du Nord réduisent leur aide au développement afin de consacrer leurs ressources financières à leurs priorités nationales, M. Diarra n'a encore rien constaté de tel. Il affirme au contraire qu'on lui a assuré au cours d'une conférence internationale sur le «financement du développement» que les engagements de l'Union européenne de consacrer l'équivalent de 0,56 % de son produit national brut à l'aide publique au développement (APD) d'ici à 2010, et 0,7 % d'ici à 2015 seraient tenus. D'autres pays industrialisés se sont également engagés à verser les sommes promises à l'Afrique. Pendant ce temps, l'Afrique, fait remarquer M. Diarra, bénéficie de relations internationales plus diversifiées. La Chine, l'Inde et d'autres pays du Sud sont devenus d'importants partenaires de développement pour l'Afrique. Leurs économies ayant connu un essor très marqué, ces pays ont établi «des fonds souverains» afin d'investir non seulement dans leurs propres économies, mais aussi «dans d'autres pays en développement». Certains pays du Sud ont aussi accepté d'ouvrir leurs marchés à des conditions préférentielles aux exportations des PMA et des pays d'Afrique. M. Diarra souligne aussi qu'une alliance entre l'Afrique et d'autres régions en développement permet aux nations africaines de se faire plus facilement entendre dans les institutions financières internationales et autres instances mondiales. «Seule, la voix de l'Afrique n'est pas forte, reconnaît M. Diarra, mais lorsque cette voix reçoit l'appui de l'Inde et de la Chine, elle porte très loin.» Sur une base plus ferme «L'Afrique trouvera sa plus grande force en elle-même», suggère M. Diarra. Au cours des dernières décennies, d'importantes réformes ont été effectuées, tant dans le domaine politique que dans la sphère économique.«La gouvernance politique s'est améliorée, nous constatons que de plus en plus de pays sont stables et qu'il y a moins de coups d'Etat et davantage de transitions démocratiques», poursuit M. Diarra.Il évoque le Mécanisme d'évaluation intra-africaine du continent, qui a eu un «véritable impact sur le terrain». Lancé dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad), adopté par les dirigeants africains en 2001, ce mécanisme est un processus volontaire par le biais duquel les pays évaluent mutuellement leurs efforts en faveur de la promotion de la démocratie, des droits de l'Homme et de la bonne gestion de l'économie.Il faut en faire davantage, ajoute M. Diarra. Les politiques et les stratégies nationales doivent être définies depuis «la base», par le biais de dialogues participatifs ouverts à tous les secteurs de la société. «C'est très important, dit-il. Il ne faut pas que les décisions soient imposées par des forces extérieures ou par des élites.» Réformes économiques Au cours des deux dernières décennies, la plupart des pays de l'Afrique subsaharienne ont mené une politique de réformes conomiques. Ces réformes «ont aidé l'Afrique à trouver un équilibre macroéconomique qui constitue une bonne base sur laquelle on doit édifier un développement économique durable».Les pays africains ont également renforcé leurs systèmes juridiques, inspirant ainsi une plus grande confiance aux investisseurs nationaux et étrangers. Il importe, indique M. Diarra, d'être «transparent dans les affaires, d'avoir un cadre juridique bien défini et d'en suivre les règles, et non pas de suivre ses propres règles».Selon lui, l'infrastructure – les routes, les ports, les systèmes électriques et hydrauliques et les nouvelles technologies de l'information – sont des priorités de premier ordre pour lesquelles les bailleurs de fonds ont établi un consortium pour les infrastructures en Afrique afin de mobiliser le financement (voir Afrique Renouveau, janvier 2009).L'autre priorité est le développement agricole, en particulier l'accroissement des faibles niveaux de productivité alimentaire, affirme M. Diarra. D'après le Programme intégré pour le développement de l'agriculture en Afrique du Nepad, chaque pays d'Afrique doit consacrer au moins 10% de son budget à l'agriculture, afin d'accroître la productivité agricole au taux moyen annuel de 6%. «A vrai dire, il n'y a pas à ce jour beaucoup de pays africains qui le font», déplore-t-il.Mais il existe aussi des exemples positifs. Le Malawi, déclare M. Diarra, a pris «l'initiative très audacieuse de fournir aux agriculteurs tous les intrants dont ils ont besoin», le gouvernement subventionnant le coût des engrais et des semences à rendement élevé (voir Afrique Renouveau, octobre 2008). En deux ans, les récoltes avaient tellement augmenté que le Malawi, pays qui recevait des secours alimentaires d'urgence, est passé au statut de fournisseur de céréales du Programme alimentaire mondial des Nations Unies. «Alors, cela va-t-il durer ?» se demande M. Diarra. «Je n'en sais rien, mais c'est certainement une bonne façon d'aller de l'avant.» E. H. In Afrique Renouveau, un magazine de l'Organisation des Nations unies