Les nouvelles relations franco-algériennes prônées par l'Elysée n'ont rien de préférentielles du moment que le programme nucléaire civil, avancé par Nicolas Sarkozy à Constantine comme une marque de confiance, est offert aussi à la Libye et à l'Egypte. Les contours de l'union méditerranéenne, version française, sont dès de départ connus et limités. L'approche se limite aux aspects culturels et scientifiques. Exit l'économique, soit l'essentiel. L'initiateur du projet, le président français, a donné les éléments fondateurs de cette union à Constantine la semaine dernière. La construction de cet espace aura comme socle la culture et l'enseignement supérieur. Les deux forces motrices de cette union, que sont l'Algérie et la France, sur le modèle franco-allemand, lanceront à court terme, selon la feuille de route française, trois projets. Les deux premiers sont une université et une institution de la jeunesse franco-algérienne. Ces deux cadres seront élargis, à moyen terme, pour fédérer toute la future union méditerranéenne. Le troisième projet, le plus urgent, sera initié et mené par le côté français. Il s'agit de l'introduction de la langue et la culture arabes comme élément majeur d'intégration de l'immigration d'origine maghrébine. Au lieu d'opposer les deux civilisations, il est plus fécond de créer une sorte d'Andalousie avec, cependant, un changement du sens du flux civilisationnel. Ce schéma est des plus prometteurs s'il ne manquait pas la dimension économique. M. Sarkozy lui-même a avoué, depuis Constantine, que les différentes civilisations de la Méditerranée ont été construites sur la base d'échanges. Disons surtout mercantiles. Du coup, pour les pessimistes, ce qui est recherché, c'est de faire des pays du Maghreb, pour les besoins d'une expansion à l'international de la France économique, des viviers pour de futures élites avec, à la clé, une intégration assurée. Une intégration culturelle pour les besoins de la cause d'une économie française hantée par le plein emploi. Selon l'ensemble des analystes économiques, l'intégration économique n'est pas à l'ordre du jour de la future union méditerranéenne. Cela découle du programme même du président français Nicolas Sarkozy. Ce dernier s'oppose toujours à l'encouragement des délocalisations durant son mandat. Ces pessimistes s'interrogent sur l'intérêt à tirer par Alger d'un tel espace. Ils se demandent ce que peut exporter l'Algérie, à part les hydrocarbures, vers l'Europe méditerranéenne. Ils ne trouvent pas de produits dont nous aurons un avantage comparatif. À ce stade, l'union méditerranéenne consiste à propager la culture française, un genre de “French Way of Life” afin que le produit français continue à garder ses parts de marché et, pourquoi pas, se réapproprier celles déjà perdues suite à l'embargo de fait appliqué par la France durant les années 1990. Autrement dit, les recettes hydrocarbures de l'Algérie iront booster l'offre du marché français dont seule la croissance assure le plein emploi que cherche l'actuel locataire de l'Elysée. Dans ce cas, l'intégration culturelle et politique est cette “plus-value” qui rendra les biens et expertises français concurrentiels par rapport aux biens et expertises chinois et indiens. Or, quand le politique vient dicter la stratégie du commerce extérieur d'un pays, c'est sur le compte des coûts des inputs, donc de l'efficience de l'appareil national de production. En effet, c'est faire face à ce binôme qui est la raison d'être de cette union, semblent conclure ces mêmes pessimistes. La Chine et l'Inde sont en train de menacer l'économie européenne et même américaine. Le développement des économies de ces deux pays se fait, pour le moment, essentiellement à l'international grâce à l'Afrique pour des raisons historiques, culturelles et politiques. Bien que tout soit relatif, il n'y a pas de grandes différences entre ces deux nouvelles puissances et les pays africains et arabes dans la perception de certaines valeurs réputées être l'émanation des démocraties occidentales. À ces avis pessimistes s'opposent d'autres plus optimistes. Selon eux, la fondation culturelle, qui est nécessaire, sera vite rattrapée par une autre économique malgré les calculs des uns et des autres. Une union économique sera honnête à travers, surtout, les délocalisations. Ces dernières sont un des leviers de lutte contre l'avancée des Chinois et des Indiens sans obliger les pays du sud de la Méditerranée à consommer européen avec des prix deux fois plus chers que ceux appliqués par les Asiatiques. L'Europe méditerranéenne bénéficiera des compétences, à faibles coûts, des futures élites de la Méditerranée du Sud pour mettre sur le marché des produits et services concurrentiels. Un véritable deal honnête. Il reste à trouver un équilibre entre l'Union européenne et la future union méditerranéenne. La position allemande donne une idée sur les conflits d'intérêts. Une délocalisation risque de fragiliser l'Union européenne si l'espace est construit sur une base purement égoïste. La construction d'un espace méditerranéen est un élément important dans la géostratégie. Il est si sérieux comme processus que les Français sont au moins sûrs de la non-opposition des Etats-Unis pour le lancer. Economiquement parlant, la Chine et l'Inde sont un adversaire commun. Ainsi, malgré lui, Alger se retrouve au cœur d'un grand et grave enjeu économique mondial. Une aubaine, disent les uns. Le pire est à attendre, disent les autres Mourad KEZZAR