C'est au centre d'un pâté de maisons situé face au commissariat de la commune de Heuraoua (wilaya d'Alger), que réside la famille du vieux Bechla Rabah, le kamikaze auteur de l'attentat contre le siège de l'ONU à Hydra. C'est ici dans ce quartier dit cité Sentouhi, chez ses beaux-parents, que Cheikh Brahim, “âmmi Ali” selon ses voisins, s'est installé en 1993 avec ses cinq enfants, trois garçons et deux filles nés d'un deuxième mariage après la mort de sa première femme. Le vieux terroriste avait déjà deux filles nées d'un premier mariage contracté à Surcouf, dans la commune de Aïn Taya, dans les années 80, date de son installation dans la région après avoir quitté son douar Bechachla, situé sur les hauteurs de Bordj Ménaïel. Cheikh Brahim, qui n'assistera pas aux obsèques de sa deuxième femme décédée en 2004, a surtout exercé comme marchand de fruits et légumes avant d'évoluer dans son activité pour se spécialiser dans le gros, toujours dans le commerce des fruits et légumes. Les gens de son quartier n'arrivent toujours pas à croire que “âami Ali” — ils n'ont aucune nouvelle de lui depuis plus de dix ans — est l'auteur du massacre de Hydra. Plusieurs de ses voisins disent ignorer que Cheikh Brahim ou Abou Othmane et aâmi Ali ne font qu'un. Certains d'entre eux disent que le vieux était un personnage plutôt énigmatique et ne fréquentait pas beaucoup les gens. D'autres affirment qu'il avait un tempérament coléreux et se fâchait pour un rien, ce qui explique ses multiples insuccès dans tout ce qu'il entreprenait. C'est d'ailleurs son caractère impulsif qui provoque son départ précipité de son douar les Bechachla de Bordj Ménaïel pour venir s'installer dans la région de Aïn Taya. Certes, le cheikh sera dans les années 90 un simple sympathisant du FIS dissous comme l'étaient la plupart des gens de son quartier. Selon d'autres, il était quelqu'un de profondément intégriste, mais de là à imaginer qu'à son âge, il allait, quelques années plus tard, prendre le maquis, c'était impensable, précise un de ses proches. Diminué psychologiquement suite à ses multiples déboires dans sa vie sociale, Bechla Rabah décide en 1996 de quitter le foyer familial pour rejoindre le maquis de Bouzegza, sur les hauteurs de Boudouaou. Il sera intégré dans un premier temps au sein de la phalange Echouhada dirigée par Omar Bentitraoui, avant de rejoindre la seriat El-Ghoraba qui activait à l'époque à Bouzegza. Mais le futur kamikaze ne sera d'aucune utilité pour les “émirs” qui l'ont accueilli. Selon des repentis, Cheikh Brahim, comme ils l'appelaient, affichait une telle fragilité qu'il était impossible de lui confier des missions sur le terrain ou de l'intégrer dans les actions terroristes. Il sera mis alors à la disposition de Abou Haytem, alias Abdelhamid Saâdaoui, qui était à l'époque le bras droit de Hassan Hattab, mais aussi l'“émir” de katiba El-Ansar. Celui-ci, ne sachant quoi faire avec un homme âgé, le mettra “en quarantaine” pendant quelques mois avant qu'il ne soit récupéré par l'“émir” Nabil Sahraoui. Après la mort de ce dernier, Cheikh Brahim sera encore une fois à la merci de Abou Haytem, homme fort de l'ex-GSPC. Il sera confié au vieux terroriste la mission symbolique de guetter le déplacement des éléments des forces de sécurité sur le tronçon El-Gheicha-Ouled Aïssa, en passant par Ouled Larbaâ, à l'est de la wilaya de Boumerdès. Selon des repentis qui l'ont connu, le vieux terroriste passera cinq années, soit de 1997 à 2002, à faire ce travail, armé seulement d'un vieux fusil et d'une grenade. Pour ne pas le chasser du groupe, les chefs terroristes, par respect pour son âge, lui ont confié des tâches secondaires bien qu'il continuât, à cause de ses caprices et de ses susceptibilités d'adolescent, à se montrer toujours insupportable. Le futur kamikaze de Hydra sera affecté en 2004 à seriat El-Merikh, dirigée alors par Ghemati Khaled dit Abou Ahmed (tué en mars 2007) pour continuer à s'occuper de tâches subalternes. Encombrant et se sentant inutile, Cheikh Brahim serait devenu un dépressif qui a besoin de prendre une revanche sur lui-même. Il ne supportera pas non plus d'être traité comme un vaurien ou un traînard, d'où sa décision de se porter volontaire pour cette mission kamikaze. Ce terroriste, qui ne se sentait guère fier de son parcours au maquis, voulait, en quelque sorte, être “réhabilité”. Son nom n'apparaît sur aucun document lié aux affaires de terrorisme traitées par la cour de Boumerdès durant ces deux dernières années. Mais en provoquant la mort d'enfants, d'écoliers et de femmes, ce terroriste a prouvé sa lâcheté et sa faiblesse, à l'instar des commanditaires de ces attentats. Pour rappel, la cour de Boumerdès a condamné il y a un peu plus d'un mois un terroriste âgé de 73 ans à 20 années de prison ferme pour adhésion à un groupe terroriste. L.Boubekeur, originaire de la wilaya de Relizane, était considéré comme le plus vieux terroriste de l'ex-GSPC et travaillait lui aussi pour katibat El-Ansar. M. T.