Les participants craignent des attentats kamikazes malgré le déploiement de 4 000 hommes et une flotte aérienne pour sécuriser le circuit. La déception a été totale. Le rallye Paris-Dakar n'aura finalement pas lieu. Il a été purement et simplement annulé comme il fallait bien s'y attendre après la menace terroriste qui pesait, depuis l'assassinat de quatre touristes français en Mauritanie, sur cette compétition tant attendue. L'annonce a été faite, hier, par le directeur du raid-rallye, Etienne Lavigne, qui a lu le communiqué des organisateurs à Lisbonne où le coup d'envoi de la course devait être donné. Du coup, la 30e édition du célèbre circuit est annulée pour la première fois depuis son lancement en 1979. Le climat d'insécurité, qui a prévalu dans la région du Maghreb, a lourdement pesé sur les bons préparatifs de cette course et a mis dans l'embarras tant les organisateurs que les pays participants. Cette annulation intervient après maintes réflexions et déclarations de part et d'autre, notamment du côté de l'Hexagone où l'on craint sérieusement pour la vie des ressortissants français en Mauritanie et les coureurs qui étaient, bon gré mal gré, prêts à prendre le risque pour sillonner 5 pays en 15 étapes et sur un tronçon de 9 273 km de pistes jusqu'à la capitale sénégalaise. Mais aussi, elle intervient à contre-courant des assurances des autorités mauritaniennes qui ont mobilisé 4 000 hommes, dont 2 000 militaires, gendarmes et policiers en uniforme et 2 000 autres hommes en civil, afin de sécuriser l'ensemble du circuit et des relais. Tenus en haleine depuis jeudi dernier, quand il a été annoncé une “communication exceptionnelle” à partir de Lisbonne, les participants à cette manifestation ont été totalement abattus par l'annulation de cette édition. Hier, le directeur des sports de France Télévisions, Daniel Bilalian, a été le premier à avoir annoncé, sur les ondes de la radio Europe 1, cette annulation qu'il a qualifiée de “coup dur”. “S'il arrivait la moindre chose, a-t-il dit, ce serait toute la crédibilité d'Aso ((Amaury Sport Organisation) qui serait remise en cause”, avant d'annoncer sur France Info qu'“on est à deux recommandations de prudence du gouvernement et je pense que la menace sur la traversée de la Mauritanie est bien réelle au-delà du brigandage qu'on a pu connaître dans les années précédentes. Là, c'est effectivement une menace armée de groupes déterminés, voire kamikazes”. La diplomatie française s'en est également mêlée au point de déconseiller “fortement” à ses ressortissants, comme d'ailleurs aux coureurs, de se rendre en Mauritanie. Le MAE français, Bernard Kouchner, n'est pas allé par trente-six chemins pour déclarer fatalement sur RTL : “Nous prévenons les concurrents, c'est dangereux !” en arguant que la région est très incertaine. Les réactions ne se sont pas fait attendre. L'ancien patron du rallye-raid, Hubert Auriol, a estimé que “l'intégralité de la course, ou en tout cas ses moments forts, devait se dérouler en Mauritanie. Vu les enjeux, j'aurais supposé qu'il y avait une coopération entre l'organisateur et le pays qui l'accueille pour assurer le bon déroulement de la course. Et visiblement, il y a quelque chose qui a coincé ou qui n'a pas été prévue. Je suis surpris qu'il n'y ait pas de plan B avec une modification de l'itinéraire. Il ne faut pas non plus, du jour au lendemain, dire que la Mauritanie est un pays où on ne peut pas aller. Faut pas exagérer. Ce qui me surprend c'est qu'ils annulent de but en blanc sans chercher une solution, quitte à alléger le parcours. Un certain nombre d'étapes pouvait avoir lieu”. En ce sens, il y a lieu de rappeler que deux étapes avaient été neutralisées en 2004 à cause d'une éventuelle embuscade lors d'une étape entre Néma (Mauritanie) et Mopti (Mali). En 2007, deux autres étapes-clés, entre Néma et Tombouctou (Mali), avaient également été annulées pour les mêmes raisons. Pour le directeur du Dakar, Etienne Lavigne, cette l'annulation du rallye 2008 “est une terrible nouvelle”, tout en assurant les concurrents que “l'histoire n'est pas terminée”. “Le Dakar 2008 ne partira pas. Le Dakar est sonné mais le Dakar est debout !” a encore affirmé Lavigne. Le président de la Fédération marocaine du sport automobile a, de son côté, qualifié cette annulation de “regrettable” estimant que “le Maroc en tire bénéfice au niveau économique et au niveau de son image à l'étranger (…) C'est très bien qu'on parle de l'étape marocaine dans le monde et pour de nombreuses heures de télévision (…) le terrorisme, c'est illogique, et je ne peux rien présager avec tout ce qui se passe dans le monde aujourd'hui”. Le Portugais, Carlos Soussa, a réagi également en affirmant que les organisateurs n'ont pas exploré toutes le alternatives pour le maintien du Dakar. Il faut souligner que le Dakar devait passer par la Mauritanie à partir du 12 janvier lors de la 8e étape Atar-Nouakchott, avant une journée de repos dans la capitale et cinq autres étapes en territoire mauritanien jusqu'au 19 janvier. Et c'est ce circuit même, tant redouté par les services secrets français, qui ont fait que la 30e édition est tombée à l'eau au grand dam des amoureux de l'automobile et de la moto. FARID BELGACEM