Les médias s'émeuvent des pertes commerciales des artisans et des pompistes de l'ouest du Maghreb et du Sahel, après l'annulation du Dakar 2008. La Mauritanie s'en remettra sûrement bien plus vite que de la vingtaine d'années de dictature dont le pays vient de sortir ou du discrédit sécuritaire que lui inflige ce rendez-vous raté. Al-Qaïda a commis deux attentats dans ce pays. Et la prudente Europe lui a décoché la réplique qui s'impose en pareil cas : il est “déconseillé à ses ressortissants de se rendre” dans cette région devenue à risque, comme vient de le faire le ministre des Affaires étrangères français et ex-promoteur du devoir d'ingérence. La réaction, désormais classique, s'associe à une réponse du berger à la bergère et établit une objective connivence entre le principe occidental de précaution et l'hégémonie terroriste. Les pouvoirs du tiers-monde, même quand, comme en Mauritanie actuelle, ils disposent d'une réelle légitimité, ont besoin d'être validés par la fréquentation occidentale. En Algérie, nous l'avons connu ce retrait soudain de nos partenaires étrangers dès l'offensive armée islamiste, au début des années 1990. Le Paris-Dakar a déserté les pistes du Sahara algérien dès 1993. Nos autorités avaient alors aussi “regretté” ce repli, reconnaissant sûrement quelque vertu d'homologation sécuritaire à la traversée mécanique de notre territoire qu'elles avaient localement rebaptisée le “Paris-Alger-Dakar”. L'Algérie, qui a perdu et l'espérance démocratique et l'illusion réconciliatrice, est traumatisée par ce sauve-qui-peut général au point où elle ne jure plus que par sa “place retrouvée dans le concert des nations”. Nos amis ne se sont d'ailleurs pas contentés de déserter nos territoires devenus hostiles ; ils ont tenté de marquer leur neutralité dans la guerre des “activistes” islamistes harcelés par le “régime militaire” en hébergeant notamment les dirigeants du FIS et du GIA à Paris, à Londres, à Berlin, à Bruxelles, à Washington et ailleurs. La suite, nous la connaissons. Vous la connaissez aussi, puisque tout le monde a eu à éprouver, de manière sanglante, les réelles intentions de “l'opposition islamiste”. Hier, ils négociaient leur salut en banalisant l'option islamiste “réprimée par la dictature militaire”, en accablant la lutte antiterroriste des “milices” et en dénonçant le combat démocratique des partis et des intellectuels qui “soutiennent la répression des régimes de généraux”. Aujourd'hui, ils négocient leur salut en décrochant des espaces investis par Al-Qaïda, en payant des rançons contre la libération de leurs otages et en chargeant l'Amérique d'unilatéralisme et d'interventionnisme. Pourtant, quand Bush poursuit, maladroitement certes, le terrorisme jusque dans ses bases, il ne fait qu'assumer l'internationalité de ce péril que tout le monde désigne désormais du terme de terrorisme international. Il est dérisoire de jouer à éviter les pistes coupe-gorge, les bandits de grands chemins se remettront inlassablement sur vos routes du fait justement de l'internationalisation du terrorisme. Drôle de monde “mondialisé” à l'européenne ! À la carte. Mondialisation sur le mode de la facilité où l'émigration et les destinations sont choisies, mais les marchés et les sous-sols doivent être ouverts. M. H. [email protected]