A la veille de la fête sacrée, les pétards, produits symboles pour la circonstance, se font de plus en plus rares. Et encore plus chers. A quelques jours de la fête du Mawlid Ennabaoui, les trabendistes et autres affairistes ne savent plus où donner de la tête. Pour la première fois depuis des années, signalent-ils, les pétards et autres explosifs se font “sérieusement rares”. Même les plus débrouillards s'avouent dépassés et affichent une mine triste, contrairement aux années précédentes “où le marché était juteux, tout le monde trouvant son compte et festoyant à moindre coût”. Une petite virée dans les places connues pour ce genre de commerce nous a permis de constater la rareté du produit tant convoité et qui, à la même période, chaque année, inondait de manière fort explosive pratiquement toutes les rues de la capitale. Les prix de ce qui peut être trouvé sont brûlants avant toute négociation, au terme de laquelle, on vous rétorquera en professionnel : “Cette année, il n'y a pas de marchandise. Le bateau n'est pas rentré et il a même été bloqué. Nous travaillons sur stock.” Ils justifient ainsi la flambée des prix d'un produit officiellement prohibé et qui reste démocratiquement exposé sur les étals improvisés pour la circonstance. Mieux encore, la gamme, pour ne pas dire la variété, a sensiblement diminué pour céder le champ à des produits moins illicites tels les bougies et autres explosifs plutôt doux subsistant encore au gré des solides filières d'affaires entretenues savamment depuis belle lurette par les fantômes de l'import sur les grands boulevards des frontières. Triste année pour les barons du pétard ! A l'unanimité, on s'accorde à dire que le port d'Alger a réussi son pari de fermer le jeu à ces containers en provenance de Chine via Dubai. “Il est possible que des cartons puissent passer, mais nous avons juré de lutter contre la contrebande en général. Allez voir sur le marché vous-mêmes et vous constaterez que, comparé aux années précédentes, le pétard se fait rare et très cher.” Lui c'est M. Reg Benamar, le nouveau chef d'inspection divisionnaire des douanes du port d'Alger, installé depuis juillet dernier, suite à une réorganisation douanière décidée dans le sens de la réhabilitation des missions de cette enceinte très longtemps décriée. Il jure que le port d'Alger deviendra hermétique pour tous les courants de fraude et en veut pour preuves les dernières prises et saisies opérées par ses services à la faveur de ce qu'il appelle “les nouvelles recommandations de la direction générale des douanes qui a mis à notre disposition tous les moyens nécessaires”. Comment expliquer alors qu'auparavant les pétards inondaient le marché, laissant penser que, pour les grandes occasions d'affaires, le port devenait bizarrement une vraie passoire ? “Cette situation, en effet, ne pouvait s'expliquer que par l'existence de complicités pour fermer les yeux sur le phénomène”, rétorque-t-il avant d'ajouter : “Aujourd'hui, tous les services douaniers du port sont responsabilisés. Il nous est presque fait obligation morale de résultat.” Où sont donc passés les grands fournisseurs et les barons des pétards, ceux qui ne voient en la fête du Mawlid Ennabaoui qu'un vaste marché à profit sûr, net et explosif ? D'aucuns affirment qu'ils ont dû être surpris par les changements opérés aux douanes. Ils n'excluent pas la possibilité de l'existence de plusieurs containers dissimulés dans les couloirs obscurs du port entre un ou deux milliers de ces grosses boîtes à marchandises non identifiées qui traînent, héritées depuis déjà de longues années. Au port, tout le monde est à l'affût, guettant le moindre arrivage en provenance de Dubai. L'enjeu se chiffre à coups de milliards, nous dit-on. Le prix de la fête est religieusement affiché. En attendant le jour J, ouvrons les oreilles pour s'assurer que les douaniers ont bien ouvert les yeux, d'autant que, comme le confirment des hauts responsables de l'institution douanière, les soupçons désignent le personnel navigant comme étant derrière le réseau des pétards. A. W.