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La grève des fonctionnaires largement suivie
à l'appel de l'intersyndicale
Publié dans Liberté le 16 - 01 - 2008

À travers cette mobilisation, ils ont exprimé leur ras-le-bol contre le statut général
de la Fonction publique qui ne répond pas aux attentes des travailleurs. Dans cet élan,
la grève sera reconduite pour le mois de février.
Ni la pluie matinale d'hier encore moins les appels du gouvernement au dialogue n'ont empêché la coordination autonome des syndicats de la Fonction publique de partir en rangs serrés pour un débrayage, dont l'annonce a été faite depuis plusieurs jours. Plus déterminés que jamais, les travailleurs ont adhéré au mouvement de protestation en paralysant plusieurs secteurs de la Fonction publique. Selon les premières estimations, le taux de suivi a atteint les 90%. Il est 13h. Quartier général de la coordination nationale situé non loin de la Maison de la presse. A première vue, tout semble tranquille. À peine le couloir du siège franchi que nous sommes surpris par l'ambiance électrique qui régnait dans le bureau. Ça parle à haute voix, ça va et vient dans tous les sens. Difficile de connaître les premiers pronostics à cette heure-ci, mais on parle déjà d'un bon taux de suivi dans plusieurs wilayas. “C'est un raz-de-marée. Un suivi à 100% à Tizi Ouzou, Biskra, Oran, Aïn Beïda, Saïda…”, annonce d'emblée Meziane Meriane, responsable du Syndicat national des professeurs de l'enseignement secondaire et technique. Il est rejoint par les autres responsables syndicaux qui évoquent un taux de participation de 90% dans le secteur de la santé, 80% dans l'éducation nationale, l'enseignement supérieur, psychologie… Ils déplorent, par ailleurs, une participation non importante dans le secteur de l'administration. Il est 13h30 et on parle déjà d'intimidation. “La majorité des hôpitaux et secteur sanitaire ont reçu des communiqués de la tutelle annonçant que la protestation n'est pas légale. Sachant que le préavis de grève a été déposé le 07 janvier”, s'indigne M. Yousfi, secrétaire général du Syndicat national des patriciens de la santé publique. Pour sa part, M. Rahmani, responsable du Conseil national de l'enseignement supérieur, évoque des cas de propagande. “Il y a eu de l'intox ; des personnes ont manipulé certains enseignants en leur annonçant que la grève a été reportée pour un autre jour, mais malgré cela, nous avons enregistré une adhésion très importante, notamment à l'intérieur du pays”, précise-t-il. Cependant, les représentants de la coordination estiment que cette mobilisation prouve que les propositions de l'avant-projet du statut général de la Fonction publique n'ont pas permis de répondre aux attentes des fonctionnaires qui n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Selon eux, les mouvements de grève sont une preuve du dynamisme de la société, mais en Algérie, considèrent-ils, même s'ils sont synonymes d'un malaise social très profond, les réponses des pouvoirs publics n'ont pas évolué d'un iota. À ces mouvements, on oppose mépris, répression ou dans les meilleurs des cas un dialogue de sourds.
En choisissant la Centrale syndicale comme unique interlocuteur du monde des travailleurs pour sa mission de pompier en cas de grave crise, le pouvoir occulte le sacro-saint principe de représentativité. L'annonce de la nouvelle grille des salaires, par le Chef du gouvernement, en ce début d'année et sa non-concrétisation affectent la masse ouvrière dans ses tréfonds. “Malgré la grogne des fonctionnaires qui prend de l'ampleur, le Chef du gouvernement a maintenu son voyage en Espagne pour l'Alliance des civilisations. Pour arriver à cette dernière, il faut d'abord passer par l'ouverture du dialogue avec ses fonctionnaires ! Le gouvernement ne tient plus un dialogue de sourd, mais celui d'autiste !” martèle M. Rahmani. Et d'ajouter : “Le gouvernement doit lancer un “plan orsec” pour résoudre le problème des fonctionnaires et ouvrir le dialogue avec les vrais partenaires sociaux.”
Tournée dans la capitale
Pour cette journée de grève, le mouvement de protestation a été largement suivi dans les hôpitaux, les secteurs sanitaires et les établissements scolaires de la capitale. Ils étaient nombreux à se rendre sur le lieu de leur travail et faire des piquets de grève ou encore des assemblées générales. Rien ne les a empêchés, même pas la fraîcheur matinale. Il est 10h. Hôpital de Ben Aknoun. Les avis de grève sont affichés dans tous les services.
Les 28 patriciens ont observé le piquet de grève devant l'administration de l'enceinte hospitalière. Ils réclament tous les mêmes revendications : un statut qui respecte leur longues années d'études et d'expérience. “Pour réparer cette injustice, les pouvoirs publics devront revoir leur stratégie. Nous ne sommes pas satisfaits de la grille des salaires. Sans aucune exagération, c'est un mépris total pour les fonctionnaires”, expliquent le Dr Lamni. Il déplore, par ailleurs, la mise à l'écart des syndicalistes lors des négociations, notamment la confection du statut de la Fonction publique. “À quoi sert un syndicat qui ne négocie pas le devenir de la carrière professionnelle de ses adhérents ?”, s'interroge-t-il. On retrouve le même discours chez les professeurs, maîtres-assistants et docents des sciences médicales qui ont choisi de faire une AG au niveau du CPMC de l'hôpital de Mustapha-Pacha. Ils sont presque 300 maîtres-assistants et professeurs à être présents lors de cette AG. On parle du taux de participation de la mobilisation et des prochaines démarches à suivre pour la prochaine protestation. Sur les 254 maîtres-assistants présents lors de cet assemblée, 253 ont voté pour la reconduction de la grève pour le mois de février. Même chose pour les 90 professeurs et docents qui acceptent eux aussi d'observer trois jours de grève durant le mois prochain. “Cette décision n'a pas été prise de gaieté de cœur, mais c'est le seul moyen de faire bouger les choses et arracher nos droits. Nous pouvons durcir le mouvement si le gouvernement persiste et signe”, annonce un professeur de médecine. Que ce soit au CHU de Bab El-Oued, Ben Aknoun ou autre, la mobilisation a été forte. Aucune consultation, ni examen médical n'ont été effectués. Sauf les urgences qui ont assuré le service minimum.
Les professeurs des trois paliers étaient également nombreux à ne pas enseigner. Même les écoles du primaire et du moyen ont rejoint le mouvement de contestation. Cependant, certains syndicats non affiliés à la coordination, comme ce fut le cas des douaniers, ont exprimé leur soutien au mouvement. Les fonctionnaires ne décolèrent pas. Pour eux, “la balle est dans le camp du gouvernement !”
Nabila Afroun


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