Après sa monumentale gaffe au lendemain des attentats du 11 avril 2007, traduite par un communiqué indiquant les lieux de futures attaques terroristes, l'ambassade américaine à Alger remet ça en désignant à ses ressortissants les lieux à éviter, arguant des “menaces sérieuses”. C'est une véritable campagne qui est enclenchée contre l'Algérie. Après le secrétaire général des Nations unies, qui remet en cause la compétence des services de sécurité algériens en décidant de mettre en place une commission d'enquête sur les attentats terroristes du 11 décembre dernier, et Londres à travers la réactivation de son “travel warning” pour l'Algérie, c'est au tour de Washington de mettre les pieds dans le plat en rendant, par le biais de sa représentation diplomatique, un communiqué dont le contenu outrepasse toutes les limites de l'acceptable. Si Londres, qui a déconseillé le 16 janvier aux citoyens britanniques de se rendre dans plusieurs villes algériennes, a toujours respecté les formes pour de telles mises en garde, c'est loin d'être le cas des Américains. En effet, dans une note adressée le 18 janvier 2008 à ses ressortissants vivant en Algérie, la première du genre depuis plusieurs mois, l'ambassade des Etats-Unis à Alger leur demande non seulement de restreindre leurs mouvements, mais leur désigne les lieux à ne pas fréquenter. Ainsi, la mise en garde déconseille “fortement” aux Américains de fréquenter “les restaurants, les boîtes de nuit, les églises et les écoles fréquentées par des étrangers”. Plus grave encore, pour l'ambassade américaine à Alger, “toutes les villes du pays sont concernées par cette alerte”. Elle justifie ce communiqué par “la dégradation de la situation sécuritaire depuis les attentats du 11 décembre” et évoque des “menaces sérieuses d'attentats terroristes”. C'est à croire qu'elle détient des informations d'ordre sécuritaire, et au lieu de les transmettre aux services algériens concernés, la représentation diplomatique américaine semble ignorer les lois en vigueur en préférant avertir uniquement ses ressortissants. En tout cas, le passage suivant du communiqué “en réponse aux signes persistants de possibles attentats à Alger, l'ambassade a demandé à ses employés d'éviter tout déplacement inutile autour de la ville jusqu'à nouvel ordre, n'excluant pas par la suite d'ordonner une restriction totale des mouvements”, les responsables de l'ambassade des Etats-Unis dans la capitale algérienne donnent l'impression d'en savoir énormément sur l'activité terroriste en Algérie. On n'en est pas au premier dépassement de l'US Embassy, laquelle s'était singularisée au lendemain des attentats du 11 avril 2007, en émettant un communiqué de même nature, qui avait scandalisé les autorités algériennes. Elle était allée jusqu'à donner le jour et les noms des quartiers d'Alger qui allaient faire l'objet d'attentats terroristes. Ceci étant, ce dépassement américain intervient au moment où Washington a essuyé le refus catégorique d'Alger d'accueillir une base américaine dans le cadre de la mise en place de l'Africom. Le soutien de l'Algérie au peuple sahraoui, qui constitue un obstacle au forcing américain pour faire passer le plan d'autonomie marocain en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, n'est pas fait pour plaire à l'Administration. Partant de là, il n'est pas exclu qu'il s'agisse d'une action concertée avec l'ONU pour discréditer l'Algérie. Mais le gouvernement algérien ne se laisse pas faire. Il a fermement rejeté la Commission d'enquête indépendante que le secrétaire général des Nations unies veut instituer, en faisant savoir qu'il n'entendait pas coopérer avec l'ONU sur l'attentat suicide du 11 décembre 2007. Ecartant d'un revers de main les accusations de “négligences” formulées par un haut responsable de l'ONU, en l'occurrence Kemal Dervis, l'administrateur du Programme des Nations unies pour le développement, lequel avait, en effet, indiqué qu'Alger n'aurait pas pris en compte des demandes onusiennes pour le renforcement de la sécurité autour du siège des Nations unies à Hydra, l'Algérie affirme qu'aucune demande n'a été adressée en ce sens aux “personnes appropriées” au sein du gouvernement. Par ailleurs, le Secrétaire général de l'ONU sera informé officiellement dans les prochains jours de la décision d'Alger lors d'une réunion prévue au siège de l'ONU. C'est ce qu'a révélé au New York Times Mourad Benmehidi, représentant permanent adjoint de l'Algérie aux Nations unies. Le diplomate algérien a confirmé au quotidien new-yorkais le refus de l'Algérie de coopérer avec l'enquête proposée par l'ONU. Il a déclaré : “Si vous avez été la cible d'une attaque, vous, naturellement, pensez avoir fait le maximum pour l'empêcher.” Ne s'arrêtant pas là, Mourad Benmehidi dira soupçonner également l'ONU d'avoir ordonné cette enquête dans la perspective d'“empêcher des critiques venant du personnel interne”, avant d'ajouter : “Ils essayent de mettre la faute sur (nous), et ce n'est pas juste.” Face à cette fermeté d'Alger, Michèle Montas, la porte-parole de Ban Ki-moon, a cherché à calmer les esprits, en expliquant qu'“il ne s'agit pas d'une enquête criminelle”, mais “ce sera une revue de la situation avant et après le bombardement”. Il n'en demeure pas moins que Ban Ki-moon semble tenir à la guéguerre qu'il livre à l'Algérie. Le SG onusien compte rendre hommage aux victimes du siège de l'ONU en Algérie mercredi prochain à Genève en Suisse, lors d'une cérémonie en présence des familles concernées. K. ABDELKAMEL