La parole est au chœur du troisième mandat. Comme dans une “ola”, ils se lèvent l'un après l'autre, dans un mouvement d'onde qui devrait s'étaler jusqu'en avril 2009 pour reprendre le refrain. L'arbitraire de ce qui se prépare se lit dans l'absurdité des arguments : de “l'approfondissement de la démocratie” en passant par “l'anarchie de l'Etat” et “la paix à consolider” jusqu'à l'extériorité néo-coloniale “du principe d'alternance au pouvoir”. La plaidoirie pour un troisième mandat pourrait aisément donner matière à un réquisitoire contre le régime. Mais n'est-ce pas là que réside le génie de notre système : ses échecs sont ses atouts et sa pérennité vient de ce que tout reste à faire ou, pire, tout est à refaire. De l'autre côté, les Algériens sont nombreux à se plaindre, mais plus nombreux à sembler en redemander. Oui, il y a ceux que l'intégrisme terrorise et les fait préférer applaudir à l'impunité du terroriste que l'affronter ; il y a les cohortes d'ayants droit de toutes sortes et des ligues politiques, syndicales, associatives clientélistes que la rente ligote au système ; il y a les adeptes de la corruption qui n'a jamais été florissante, qui se “démocratise” et qui attire de nouveaux rapaces ; il y a les trabendistes et les petits brigands qui vivent du libertinage civique en rançonnant le stationnement, en posant leurs étals sur les trottoirs et en se riant du percepteur ! Il y a toutes ces libertés de prévarication et d'incivisme, mais combien sont-ils à être comblés de profiter de l'impunité de leurs crimes, de la rente du système, de sa permissivité pour le passe-droit, la malversation, le trafic et la contrebande des frontières, du recul de l'Etat et de la loi, et du déclassement civil de la femme ? Car, en même temps, ils sont nombreux les concitoyens qui déplorent cet état de fait. Ils déplorent l'encouragement politique dont jouit le terrorisme islamiste, l'insécurité qu'ils en ressentent et les effets sanglants qui en découlent ; ils déplorent l'injustice sociale qui se lit dans le statut même de la Fonction publique ; ils dénoncent l'incapacité chronique du pouvoir à leur accorder un minimum de perspective de logement ; ils se plaignent de la panne économique qui prive leurs enfants de l'espoir d'un emploi et craignent qu'ils se résolvent, à leur tour, à l'alternative de la harga ou du maquis ; ils déplorent la cherté de la pomme de terre et la précarité du lait ; ils se plaignent d'être rançonnés par la corruption ordinaire. Ils ne doivent tout de même pas être plus nombreux, nos concitoyens, à préférer la peur à la dignité, la reddition à la résistance, la prédation à l'édification, le détournement au salaire de l'effort, le parachutage à la sélection, le régionalisme à la compétition. Sans effet. Quelques voix, placées à la tête d'institutions, rejouent le scénario bien rôdé du fait accompli. Avec une certaine arrogance, comme dans ce statut de “katira” (locomotive), que donne Belkhadem à l'alliance de gouvernement dans un système politique où tout le reste ne serait que de wagons suiveurs d'un train qui va nulle part. Si un tel attelage politique a pu s'arrimer tant d'Algériens, malgré leurs conditions, on peut comprendre que tout le pays se retrouve à la traîne. M. H. [email protected]