Etonnante sortie de Mohammed VI. Voilà qu'il appelle à dynamiser l'UMA. Et, pourtant, si l'organisation maghrébine n'a toujours pas démarré, c'est bien parce que depuis son avènement sur le trône, le roi du Maroc refuse de voir se tenir le sommet à même de débloquer la situation. Alors que l'Union du Maghreb arabe est encore au point zéro, le souverain marocain a formulé l'espoir de voir l'Union du Maghreb arabe prendre forme, tentant de faire oublier que Rabat bloque toutes les initiatives visant à enclencher le processus d'intégration, notamment la tenue d'un sommet des chefs d'Etat. Dans un message de félicitations à ses pairs maghrébins à l'occasion du dix-neuvième anniversaire de la création sur papiers de l'Union du Maghreb arabe, Mohammed VI estime que “cette commémoration est une occasion propice qui nous incite à intensifier les efforts pour concrétiser les nobles desseins énoncés dans l'acte fondateur”, en l'occurrence le Traité de Marrakech, lequel cite, parmi ses premiers objectifs, la nécessité de répondre aux aspirations des peuples maghrébins frères qui appellent de leurs vœux “davantage de synergie, de complémentarité et d'intégration”. Ce message traduit, on ne peut mieux, cette politique à deux vitesses du Maroc consistant à bloquer d'un côté toutes les marges de manœuvre pour lancer réellement l'UMA, à travers l'empêchement de la tenue d'un sommet maghrébin, seule instance habilitée à prendre des décisions concrètes, et d'appeler d'un autre côté “à la dynamisation des institutions” de l'ensemble régional. En effet, depuis 1994, dernière réunion au sommet des chefs d'Etat du Maghreb, Rabat se singularise par un refus de prendre part à toute rencontre du genre. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le conflit du Sahara occidental constitue la principale raison du blocage. Mais, au lieu de crever l'abcès et d'affronter la réalité de front, le Makhzen se complaît dans cette politique, teintée d'hypocrisie et marquée par une fuite en avant, dont la conséquence est le blocage total de l'UMA. À chaque fois que le déroulement d'un sommet maghrébin se profile à l'horizon, le Maroc trouve le moyen de le saborder. Il n'hésite pas à le boycotter à la dernière minute comme ce fut le cas en mai 2005, lorsque Mohammed VI a annulé sa participation à la veille de la tenue du rendez-vous que devait abriter Tripoli, toujours à cause de la position invariable de l'Algérie dans le dossier du Sahara occidental. Au lieu de persister à formuler des vœux pieux, tels que “les peuples maghrébins espèrent gagner le pari du développement durable dans le cadre d'une Union forte, bâtie sur des fondations solides cimentées par la fraternité, l'entente, la solidarité, le bon voisinage et le respect des constantes et des spécificités nationales respectives des cinq pays membres”, le souverain alaouite ferait bien de lever les blocages pour que les chefs d'Etat de l'UMA puissent se rencontrer et mettre l'institution sur rails. La ferme volonté de continuer d'œuvrer de concert avec les chefs d'Etat maghrébins, dans le cadre d'une vision réaliste et constructive, pour la dynamisation des institutions de l'UMA — ce qui requiert du monarque marocain “de lever les écueils, objectifs et subjectifs, qui entravent l'évolution de l'UMA, de consolider l'action maghrébine commune et de parachever l'édification de cette institution incontournable” — n'est qu'une déclaration sans lendemain qui ne conférera “à cette structure la place qui lui revient comme l'expression d'un ensemble influent et agissant sur son environnement régional et international, dans un monde qui ne laisse aucune place aux entités fragiles et artificielles et qui ne croit, en revanche, qu'aux unions et aux ensembles forts”, comme il le souligne si bien dans son message de félicitations. Trop de temps a été perdu dans les déclarations, il faut éviter d'en perdre encore. K. ABDELKAMEL