L'opposition est en tête dans les élections législatives et provinciales au Pakistan. Musharraf a admis la défaite de son parti qui ne recueillait que 37 sièges, selon un résultat portant sur 241 des 342 sièges parlementaires. Le Parti du peuple pakistanais de feu Mme Bhutto a obtenu 80 élus, et l'aile de la Ligue musulmane favorable à l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif 64. Si les résultats sont confirmés, nous jouerons notre rôle d'opposants de manière aussi efficace que possible, a déclaré le responsable de la formation de Musharraf, tandis que ce dernier s'est dit le jour même des élections prêt à travailler avec l'opposition représentée par le parti de Sharif qui voit sa cote remonter, et le Parti du peuple pakistanais de la défunte Benazir Bhutto, tuée le 27 décembre dans un attentat suicide au tout début de la campagne électorale. “Quels que soient ceux qui gagneront les élections, je travaillerai avec eux de manière totalement harmonieuse”, avait-il assuré en glissant son bulletin de vote dans l'urne. Le problème est de savoir si les deux partis vont se coaliser et si oui Musharraf devrait s'inquiéter sérieusement pour son avenir politique. Le président pakistanais joue en effet son avenir politique à la tête de l'unique puissance nucléaire du monde musulman. Si l'opposition s'unissait, il pourrait même être destitué. Dans les autres scénarios, il peut, soit s'allier au PPP qui ne l'a pas exclu, soit rester président, mais avec des pouvoirs considérablement amoindris sous une coalition entre le PPP et la PML-N, soit encore former une alliance avec les partis islamistes, les indépendants et les nationalistes, si cela lui permet d'avoir une majorité de circonstance. Le voile sera levé dans les prochains jours, d'intenses négociations étant certainement engagées à Islamabad sous le parrainage de l'armée, omniprésente et pièce maîtresse dans le puzzle pakistanais. Ces élections auront été d'autant plus décisives que la crise politique qui affecte depuis près d'un an la République islamique du Pakistan, peuplée de 160 millions d'habitants, était observée avec anxiété par la communauté internationale. Les Etats-Unis, en particulier, ont fait pression de manière inhabituelle sur le président Musharraf, leur allié-clé dans leur guerre contre le terrorisme, pour que le scrutin ait lieu. Pour Washington, les fondamentalistes menacent un Etat essentiel pour la stabilité de la région, et El-Qaïda et les talibans ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières de l'Afghanistan. Et comme lors de la campagne, quasiment atone, les élections ont été marquées par le désintérêt des Pakistanais, avec environ 40% de participation, mais surtout la peur des attentats. Les kamikazes de groupes proches d'El-Qaïda et des talibans ont fait de 2007 l'année la plus meurtrière de l'histoire du Pakistan en matière de terrorisme, avec plus de 800 morts. Et près de 150 Pakistanais ont déjà perdu la vie depuis le 1er janvier dans des attaques visant essentiellement des meetings électoraux. Les islamistes armés avaient promis de perturber le processus électoral, et Oussama ben Laden lui-même avait décrété en septembre le djihad contre Musharraf qualifié de “chien de Bush”. Il n'en a rien été. Il reste que le Pakistan ressort grandi par ces élections dont le caractère démocratique est indéniable. Une grande première dans le monde musulman. D. Bouatta