Le ministre de l'Intérieur a été entendu, hier, par la commission de la culture, de la communication et du tourisme de l'APN. Après le ministre du Tourisme, Lakhdar Dorbani, la commission de la culture, de la communication et du tourisme de l'Assemblée populaire nationale (APN) a entendu, hier matin, son collègue de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, à propos de l'affaire des 31 touristes européens disparus dans le Grand-Sud. Pendant une heure et demie, l'hôte de l'APN a répondu aux interrogations des parlementaires en récusant certes l'existence de contacts avec d'éventuels ravisseurs, mais en suggérant, néanmoins, qu'il s'agirait bel et bien d'un enlèvement. “Il est possible que ce soit une affaire de prise d'otages”, a-t-il affirmé. Dans une copie de l'enregistrement de son audition dont Liberté a pu obtenir une copie, le ministre de l'Intérieur a révélé que les touristes “ont suivi la route des Tombeaux”, une région montagneuse et sauvage située à 150 km au nord-ouest de la wilaya d'Illizi. Cette route, selon Zerhouni, est “connue pour être la zone de repli de réseaux de contrebande dont celui de Belmokhtar qui a des accointances avec le GSPC de Hattab”. “C'est pour cette principale raison que les doutes d'un probable enlèvement des touristes à cet endroit ont germé”, a indiqué le ministre de l'Intérieur. “On y a trouvé une cache qui contient des armes et des produits de contrebande”, a confié Zerhouni. Ce dernier mettra, par ailleurs, en exergue l'existence d'autres indices qui laissent, d'après lui, penser que “les touristes sont encore dans cette région et que tous ou une partie sont encore en vie. Les dernières traces remontent au 28 avril dernier”. Le représentant de l'Exécutif parlera de la découverte de boîtes de conserve, de vêtements appartenant aux disparus et de six véhicules. “Les véhicules sont les leurs. Les touristes ou leurs éventuels ravisseurs les ont peut-être abandonnés pour économiser l'essence. En tout cas, tous les véhicules n'avaient plus de batterie. Il est probable qu'elles soient utilisées comme moyens de communications”, a affirmé le ministre de l'Intérieur. Quoi qu'il en soit, Zerhouni a informé les membres de la commission parlementaire qu'un important dispositif militaire a été déployé sur le site pour retrouver les touristes. “La région est cernée. Tous ses accès sont cernés”, a-t-il dit aux membres de la commission parlementaire. Il leur apprendra que les opérations de recherche se déroulent sur une surface de 250 000 km2. “C'est une région vaste, parsemée de grottes et traversée par des canyons. Les fouilles ont mobilisé 5 000 hommes, des soldats, des gendarmes et des policiers ainsi que trois avions et trois hélicoptères qui survolent le secteur jour et nuit”, a souligné le ministre. Pour autant, si on s'en tient à ses réponses aux parlementaires, les recherches sont infructueuses. A la question d'un membre de la commission sur l'identité “des parties impliquées dans la disparition des touristes”, Zerhouni s'est montré vague. “Officiellement, les touristes sont jusqu'à l'heure portés disparus. Se sont-ils égarés, ont-ils été enlevés ? Tout est possible. Il faut que vous sachiez que la région a connu d'importants vents de sable entre la fin du mois de février et début mars”, s'est-il, contenté de dire. “On ne sait pas quelle est l'identité réelle de ce groupe (ravisseur, ndlr)”, a-t-il affirmé dans une autre partie de son exposé. Alors, enlevés ou pas ? Manifestement, le ministre a eu du mal à garder le secret de l'affaire. Il s'est trahi à plusieurs reprises devant les parlementaires en présentant la thèse de l'enlèvement comme une quasi-certitude. En revanche, il en a exclu d'autres. Selon lui, il est impossible que les touristes soient retournés chez eux. Evoquée comme une probabilité par certains agents de voyage, la piste tunisienne est, par ailleurs, improbable à ses yeux. “Les Tunisiens n'ont aucun intérêt à voir ce genre de touristes déserter le Sahara algérien, car ils traversent leur territoire et passent par Tozeur, une ville touristique du sud de la Tunisie”, a-t-il indiqué. S'agissant de savoir si les touristes n'avaient pas quitté l'Algérie en direction des autres pays frontaliers, le ministre de l'Intérieur a affirmé que cela pourrait être une possibilité. Il dira à ce propos que l'Algérie n'a pas les moyens suffisants pour contrôler les frontières, qu'il n'y a que quelques postes frontaliers pour des milliers de kilomètres. A une autre question de la commission parlementaire sur la prétendue intervention des services de sécurité allemands dans les opérations de recherche, Zerhouni a rappelé que trois ministres autrichiens et allemands ont séjourné à Alger. Il a confirmé les offres d'aide, dont les émissaires allemands notamment, se sont fait l'écho. L'Etat algérien aurait, d'après lui, décliné cette offre en affirmant à ses hôtes qu'il n'en avait pas besoin pour le moment et qu'il préférait d'abord évaluer ses besoins. “De toute façon, nous n'avons aucun complexe”, a affirmé le ministre de l'Intérieur devant la commission de l'Assemblée nationale. Actuellement, la coopération se fait, selon lui, à travers des officiers de liaison qu'Autrichiens, Allemands et Suisses ont dépêchés dans leurs ambassades à Alger. “Ils nous ont notamment aidés à authentifier les messages des touristes”, a indiqué le ministre de l'Intérieur. Ce dernier a enfin appris aux députés qu'il a donné instruction aux services consulaires à l'étranger pour que les visas touristiques soient exclusivement octroyés aux touristes encadrés par des agences de voyages. S. L. Dorbani l'a bien dit “Il y a négociations” “Concernant les négociations, des efforts sont déployés, pas de la manière dont vous l'imaginez, pas directement avec les groupes (…). Ces groupes sont des contrebandiers mêlés à des résidus de groupes criminels.” Tels sont les propos tenus par le ministre du Tourisme et de l'Artisanat devant la commission parlementaire, dimanche dernier. Manifestement, il en a trop dit. Il s'est fait immédiatement rappelé à l'ordre. S. L.