Après le retour de Abdelaziz Bouteflika de Moscou, le mystère reste entier autour de la polémique sur la mauvaise qualité des 15 chasseurs Mig-29 vendus par Moscou à l'Algérie. Du moins sur le plan officiel. Ni Poutine ni Bouteflika n'ont, en effet, abordé à l'issue de leur rencontre cette question en termes clairs, donnant ainsi libre cours au débat médiatique fait de supputations et d'hypothèses allant de l'insignifiance d'un différend militaire à la gravité d'une crise qui remettrait en cause la coopération militaire entre l'Algérie et la Russie. Si l'on vient à évaluer les résultats de cette visite de Bouteflika en Russie, on est tenté de dire que celle-ci n'aura finalement valu que par son côté polémique dont s'est emparée la presse internationale autour de la fameuse affaire des Mig 29. En effet, que ce soit dans le domaine militaire ou celui des hydrocarbures qui lient étroitement le sort des deux pays, les deux présidents se sont en fait contentés de déclarations de bonnes intentions et une timide percée sur le chapitre sensible d'une Opep du gaz à même de donner des nuits blanches aux dirigeants européens. Reste donc l'interprétation, de l'impasse faite par les deux chefs d'Etat sur l'affaire des Mig, mais aussi de ce qu'on pourrait assimiler à un échange d'amabilités entre Poutine et Bouteflika. Est-ce à dire que Poutine et Bouteflika ont jugé qu'il ne faudrait pas donner à cette polémique qui sévit sur le plan médiatique, une portée qu'elle ne mérite pas ? Autant dire un point de détail qui ne pèse pas lourd, face à la certitude avancée par certains analystes que “l'Algérie a besoin de la Russie pour se fournir en armes et pour tout ce qui est coopération militaire. En revanche, Moscou voit en l'Algérie un partenaire-clé qui peut lui ouvrir les portes de la zone Méditerranéenne et de certains pays d'Afrique”. Ou bien au contraire cela signifie que la crise s'est réellement installée entre Alger et Moscou au point où les deux présidents avaient préféré expédier un sommet qui a péché par trop de divergences ? Rappelons que le contrat sur la livraison à l'Algérie de 26 avions monoplaces Mig-29SMT et de six biplaces Mig-29UB a été signé en mars 2006 lors de la visite de Poutine à Alger. Cependant en mai 2007, l'Algérie a arrêté la réception et suspendu tous les paiements dans le cadre des contrats militaires en conditionnant la reprise de la réalisation des autres contrats par la restitution à la Russie de 15 Mig déjà livrés. Toutefois, il serait illusoire de penser que l'Algérie, à travers la remise en cause de la qualité des avions de chasse Mig 29, cherche le suprême prétexte pour dénoncer cet important contrat d'achat de matériel militaire. Faudrait-il encore qu'elle trouve une alternative pour renouveler ses équipements militaires qui, de l'avis de nombreux spécialistes, sont largement dépassés. Il est vrai que la question de savoir si des dessous politiques accompagnant la remise en cause de la qualité des chasseurs Mig 29 reste incontournable particulièrement si l'on intègre la France comme une donnée du problème. Mais une autre question mérite aussi d'être posée. Celle de savoir si la France est capable de jouer le même rôle que la Russie, dans la fourniture de matériel militaire à l'Algérie. Et même si c'est le cas, qu'en sera-il des équipements militaires déjà acquis par notre pays auprès de la Russie. Il faut bien reconnaître qu'il est difficile pour l'Algérie de changer de fusils d'épaule, sachant que la quasi-totalité de son armement provient de Russie et qu'une grande partie de ses officiers a été formée par ce pays pour un type de matériel militaire. En ce sens, rappelons que rien qu'en 2004 les exportations militaires russes vers l'Algérie se sont élevées à 5 milliards de dollars. Certes l'Algérie diversifie ses partenaires en matière d'équipements militaires, mais il faut bien admettre que comparés aux russes, français, chinois et américains restent très modestes. Il faudra savoir en ce sens que le contrat d'équipements militaires entre l'Algérie et la Russie intervenu lors de la visite de Vladimir Poutine à Alger en 2006 se démarque notablement dans le secteur de l'industrie de l'armement tant par le montant financier qui s'élève à 7,5 milliards de dollars que par la qualité des matériels militaires qui restent tout de même ce que fait de mieux la Russie en matière de technologie. Bien mieux Moscou a cédé à Alger ce qu'il a refusé de vendre à d'autres pays. C'est le cas notamment du système antimissile -300 PMU que l'Iran n'arrive toujours pas à acquérir. L'accord conclu entre les deux capitales prévoit, par ailleurs, l'annulation de la dette militaire algérienne contractée dans les années 1960 et 1970 pour un montant de 4,5 milliards de dollars. Autrement dit, cette annulation de la dette représente la contrepartie des achats algériens de l'armement russe. Il faut bien admettre que le contrat conclu avec les Russes reste quand même avantageux pour l'Algérie dans ses efforts de modernisation de son armée. Et on peut dire autant pour la partie russe, dont l'industrie de l'armement constitue l'un des fers de lance. Quel crédit donc donner aux assertions qui voudraient conférer des contours politiques à la remise en cause de la qualité des Mig 29 en tablant sur l'hypothèse que notre pays veut saborder le contrat le liant avec les Russes pour se tourner vers d'autres fournisseurs ? Et quel crédit donner aussi aux assertions qui font la part belle à une menace russe de rayer en cas de rupture de contrat de l'Algérie de la liste des acheteurs potentiels de matériel militaire pour de nombreuses années ? Les réponses on les trouvera peut-être dans les déclarations de la porte-parole du groupe Mig, Helena Fedorova, qui a certes refusé de commenter l'affaire mais qui soulignait que “les contrats n'ont pas été résiliés”. Ce qui rejoint un peu les déclarations d'experts militaires, lors du premier jour de la visite de Bouteflika, qui avaient indiqué que l'Algérie demande à ce que l'avion soit adapté et restitué ensuite, sans vouloir arrêter la coopération militaire. Zahir Benmostepha