Le beurre de baratte algérien est semble-t-il très prisé sur les tables européennes. Ce produit du terroir, dont les qualités nutritionnelles sont hautement appréciées hors de nos frontières, en Italie, entre autres, se vend bien dans ce dernier pays mais sous un label tunisien. Selon nos sources, un réseau de contrebande établi en Tunisie et s'approvisionnant en Algérie s'est spécialisé dans la collecte du beurre fabriqué selon la tradition par les petits fellahs des régions de Annaba, El-Tarf et Souk-Ahras et de son acheminement clandestin par-delà la frontière séparant les deux pays. Ce même réseau se chargerait ensuite de le conditionner sous un emballage “Made in Tunisia” avant de l'écouler sur le marché italien. Exploitant le fait que le cheptel bovin algérien évolue dans un environnement naturel, loin de toute exposition aux effets de la pollution et que son alimentation est exempte de produits chimiques dangereux, le beurre fabriqué localement a fini par s'intégrer dans la filière trabendo. Tant et si bien qu'il est devenu introuvable sur les étals de marché autant à Annaba que dans les wilayas limitrophes, où il est cédé sous le comptoir et à des prix prohibitifs. La raison de cette rareté serait, toujours selon ces mêmes sources, qu'un réseau de trafiquants, aux “mécanismes bien huilés et aux ramifications insoupçonnées” qui aurait pris en charge la collecte systématique des quantités de beurre de baratte produites par les petits éleveurs et les crémiers au niveau des localités traditionnellement spécialisées dans ce créneau. Ce réseau assurerait également le conditionnement et l'acheminement de ce produit à travers les pistes de la bande frontière du nord-est du pays, en transitant par la Tunisie pour atteindre les côtes de l'Italie. L'implication directe de certains habitants de cette bande frontalière, dont le point noir demeure la contrebande de toute sorte et qui continue de porter de graves préjudices à l'économie nationale, n'est pas à écarter dans ce trafic. Les agents de douanes et les GGF, en service dans les wilayas d'El-Tarf et Souk-Souk-Ahras, n'arrivent pas, devant l'absence quasi-totale de moyens, à maîtriser les filières de contrebandiers, bien organisées et généralement composées des habitants des différentes localités frontalières. Les habitants des communes de Haddada et de Sidi-Fredj (Souk-Ahras) et Khanget-Aoun, El-M'rouj, Bougous, Roum-El-Souk (El-Tarf) qui sont les localités les plus proches de la frontière tunisienne ne se cachent plus pour “faire des affaires” avec leurs voisins d'à-côté. Certains se sont même spécialisés dans certains créneaux et troquent, à qui mieux mieux, gasoil, semoule, café et autre sucre en quantité, la contrebande du cheptel étant plus strictement surveillée depuis quelque temps par les gendarmes gardes frontières. Ceci n'empêche pas que tout ce qui est demandé par le client éventuel peut être livré dans les semaines, voire les jours qui suivent, si ce n'est pas disponible dans l'immédiat. Par voie de conséquence, l'Union européenne consomme un pur produit Bio, en provenance d'Algérie, marqué, cependant, d'un traçage qui, s'il n'émarge pas dans le listing de cette grande communauté, est toutefois bien accepté et surtout très apprécié dans les marchés européens. Ces derniers sont bien obligés, estiment des économistes à Annaba, de répondre vaille que vaille à la demande d'une frange plus exigeante en matière de qualité que le reste de la population de cette importante communauté. Il serait peut-être intéressant de savoir qui a pour mission de veiller à la protection de la production de ce produit lorsque le pays manque cruellement de lait de vache et lorsque les prix de la poudre servant à le fabriquer sont devenus inaccessibles pour les transformateurs locaux ? Sinon pourquoi est-ce que l'on s'évertue à annoncer haut et fort, l'arrivage de vaches laitières, importées à grand renfort de devises dans le souci de répondre aux besoins du citoyen algérien, alors qu'au même moment notre production laitière passe “allègrement” nos frontières pour faire le bonheur d'une frange d'individus sans scrupule, lesquels portent directement atteinte à notre économie nationale ? B. Badis et A. Allia