Le colloque international sur le terrorisme s'est ouvert, hier, à l'hôtel El-Aurassi avec des témoignages émouvants sur la période d'extrême violence qu'a connue le pays. La journée a commencé par la projection d'un film sous l'intitulé Afin que nul n'oublie montrant des images insoutenables de victimes d'actes terroristes dans divers pays. Prenant la parole, la SG de l'Organisation nationale des familles des victimes du terrorisme, à qui revient l'organisation de ce colloque mis sous la tutelle de la présidence de la République, fixe d'emblée le ton en soutenant que le but fixé par cette initiative n'est pas “de pleurer, mais de relever les défis posés par le terrorisme”. Le chef de l'Etat a, dans un message lu par le SG de la présidence Habba Okbi, salué la coïncidence de la date de la tenue de cette rencontre avec la première marche initiée par la société civile contre le terrorisme, appelant celle-ci à s'engager auprès des structures de l'Etat à combattre ce fléau, dont l'éradication nécessite qu'on le définisse sans ambiguïté. “Il doit être entendu qu'on ne peut décemment assimiler au terrorisme les luttes que mènent les peuples pour leur libération et qui recourent à la violence faute d'autres moyens de défense”, a précisé M. Bouteflika qui a rendu un hommage particulier à l'Organisation nationale des familles des victimes du terrorisme pour sa “contribution aux efforts de notre pays à la prévention et la lutte contre ce fléau, notamment pour son action menée en faveur des victimes de la tragédie nationale”. Tout en appelant les familles des victimes du terrorisme à faire davantage preuve d'esprit de tolérance, pour celles qui ont voté en faveur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, il soutient que l'islam “est tout à fait étranger à la pratique du terrorisme”. “Nul ne doit ignorer que l'islam est une religion de paix et de tolérance qui respecte les droits de l'Homme et reconnaît à autrui le droit à la différence”, dit-il. Responsable de l'action sociale au sein de la Sûreté nationale durant 1993 et 1994, M. Aïssa Kasmi revient sur sa mission à l'époque qui consistait à enterrer les policiers morts, s'occuper des blessés et informer les parents des victimes du terrorisme. “Le décompte macabre était quasi quotidien. En décembre 1992 : 60 policiers assassinés, décembre1993 : 600 et à la même période de l'année 1994 :1 500 assassinats d'agents de l'ordre”, lâche dans un soupir M. Kasmi. À une période, relate-t-il, les terroristes “se croyaient si puissants qu'ils nous ont empêché dans certains cas d'accéder aux cimetières pour enterrer nos morts. On a dû déployer de gros moyens pour le faire”. Réclamant un silence total dans la salle, le policier poursuit : “Le nombre de morts par jour était tellement élevé que nous avions été confrontés, à plusieurs reprises, à une pénurie de cercueils. La menuiserie de la Sûreté nationale n'arrivait plus à satisfaire notre demande. Pire dans tout cela, même les cimetières qui appartiennent à Dieu ont failli être interdits aux policiers victimes du terrorisme.” Il soutient que certains hôpitaux hésitaient et parfois refusaient également les policiers blessés par peur de représailles. De cette époque noire, il retient également le cas d'un policier paralysé par une rafale de kalachnikov qui lui avait brisé la colonne vertébrale et était contraint à une hospitalisation à Ben Aknoun. “Il s'adressa à moi pour me dire que le terroriste auteur de l'attentat avait été arrêté et emprisonné à Serkadji. D'après ses informations, il faisait l'objet d'une prise en charge plus relevée que celle dont il bénéficiait lui et ses collègues, notamment au plan de la nourriture. Je mesurais impuissant le désarroi des serviteurs dévoués de l'Etat, les défenseurs de la République et de la légalité qui se trouvaient cloués au lit dans un hôpital de l'Etat où on leur servait des navets et de la courgette bouillies en guise de repas principal”. M. Gianni Capriani, journaliste et directeur du Centre des études des stratégies internationales et de la revue Intelligence intervient, lui, sur la propagande des terroristes et sur les motifs qui font que les terroristes “développent une série de comportements à travers lesquels ils transforment leurs victimes en bourreaux”. Quant à M. Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques, il pense que le rôle de la société civile est très important dans la lutte contre le terrorisme. Toutefois, il considère que le “concept de la société civile, aussi bien que celui du terrorisme, n'est pas un modèle de clarté. Parfois enchevêtré, un travail de clarification s'impose à leur endroit”. La journaliste italienne Giuliana Segrena, otage libéré en Irak et envoyée spéciale du quotidien Il Manifesto, s'étale sur le changement dans la manière de produire l'information après le 11 septembre. Avant, dit-elle, “l'Occident et la presse, d'une manière général, ont ignoré ce qui se passait dans un pays comme l'Algérie et ont été surpris lorsque le terrorisme a fini par sévir en Occident”. Elle conclut : “Une situation paradoxale prévaut à l'heure actuelle et la problématique se pose en ces termes : qui était ou bien est encore victime du terrorisme dans son pays devient terroriste pour l'Occident.” À noter que ce séminaire se poursuivra aujourd'hui avec d'autres communications autour, notamment de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. N. H.