Ce qui était redouté par tous les pays de la région, à savoir une jonction entre les différents rebelles touareg, aurait pris forme, selon le ministre malien des Affaires étrangères Moctar Ouane, d'où le danger de voir les pays du Sahel faire face à une rébellion généralisée, voire un risque de démembrement. Des “bandes touareg venues de pays voisins” du Mali ont “appuyé” les rebelles touareg maliens, qui ont attaqué l'armée malienne en début de semaine, a indiqué à Bamako Moctar Ouane, le chef de la diplomatie du Mali. Au cours d'une rencontre avec des diplomates en poste dans son pays, le ministre malien des Affaires étrangères a notamment déclaré : “Les 19 et 20 mars 2008, la bande à Ibrahim Ag Bahanga, appuyée par d'autres bandes touareg venues de pays voisins du Mali, a attaqué des convois militaires de ravitaillement et posé des mines.” Bien qu'il n'ait pas désigné les pays voisins en question, ni fourni non plus de détails sur le total des victimes depuis le début des affrontements entre les rebelles et l'armée dans le nord du pays, tout indique qu'il s'agit du Niger. Une source militaire occidentale a affirmé, hier, dans la capitale malienne, que les militaires maliens pris en otages la semaine dernière au Mali par des rebelles touareg maliens ont été emmenés au Niger chez des rebelles touareg nigériens du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ). “Les militaires maliens, dont certains sont blessés, ont été emmenés pour être gardés chez les rebelles nigériens du MNJ par les gens de Ibrahim Ag Bahanga”, a notamment indiqué cette source. Cette jonction entre rebelles touareg maliens et nigériens, la première du genre depuis l'émergence de la rébellion touareg dans la région, constitue un immense danger pour tous les pays du Sahel. En effet, l'unification des mouvements touareg rebelles pourrait constituer le prélude à la création d'un Etat targui, d'où le risque de démembrement des pays abritant des tribus touareg. Le danger est réel et les pays concernés n'ont aucun intérêt à rester passifs parce que le phénomène peut prendre rapidement de l'ampleur et les mettre devant le fait accompli. Reste à savoir, cependant, qui tire les ficelles. Si certains n'hésitent pas à pointer du doigt la Libye à cause de l'idée avancée par son leader, Mouammar Kadhafi, de créer un grand Etat au Sahara et de ses liens étroits avec ces mouvements insurrectionnels. Il n'est pas exclu non plus que Washington ait une main dans cette histoire dans le but de mieux contrôler la région, qui constitue une source de menaces pour la sécurité de ses représentations dans le continent africain. Depuis l'apparition de l'activité terroriste dans cette vaste étendue désertique par le biais de groupes se revendiquant de la nébuleuse Al-Qaïda, les Etats-Unis ne cachent plus leur souhait d'être présents sur les lieux militairement, comme le montre clairement le projet de la mise en place d'une base pour accueillir le commandement de l'Africom. Il ne fait aucun doute que la naissance d'un nouvel Etat englobant toute cette partie très difficile à contrôler arrangerait bien les affaires du Pentagone. Toujours est-il que le phénomène représente un grand danger pour la stabilité des pays du Sahel, lesquels se doivent de réagir en urgence pour le juguler. K. ABDELKAMEL