La Centrale syndicale, au-delà de toutes les lectures syndicalistes, est historiquement et par excellence une organisation de masse qui a toujours fait l'objet de convoitises du sérail et, mieux, une organisation “sollicitée” en toute circonstance pour participer, directement ou indirectement, à jouer le jeu des équilibres, tantôt au gré des ambitions personnelles, tantôt au gré des “lobbys” qui tentent tant bien que mal d'exercer un forcing pour s'imposer à la tête d'une organisation qui revendique près de deux millions de syndiqués et représentant plus de quatre millions de travailleurs dans tous les secteurs d'activité. Maillon fort qui incarne “le lien entre le mouvement syndicaliste et le mouvement national”, selon le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, “unique interlocuteur représentatif”, selon le ministre du Travail, Tayeb Louh, et “acteur social incontournable dans le dialogue”, selon le Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) est plus que jamais confortée et son secrétaire général, Abdelmadjid Sidi-Saïd, reconduit pour un troisième mandat, a, désormais, les coudées franches et jouit d'une marge supplémentaire dans la prise de décision et de gestion des affaires de la Centrale syndicale, tant sur le plan interne qu'externe. Les 1 600 participants qui ont pris part au 11e Congrès national de l'UGTA, du 29 au 31 mars dernier à Alger, ont certainement tiré des enseignements à la limite du slogan dédié à cette rencontre, à savoir “stabilité, solidarité et modernité”. C'est dire que le message adressé par le chef de l'Etat aux congressistes et la déclaration finale du 11e congrès se confondent et se complètent, non seulement pour donner l'impression que les violons sont accordés, mais également pour encenser l'UGTA et lui définir de nouveaux objectifs, et ce, à la lumière des conjectures syndicalistes et de la conjoncture politique en prévision de l'échéance de 2009. L'appel de la Centrale syndicale au chef de l'Etat de procéder à la révision de la loi fondamentale du pays et son plébiscite sans réserve à Bouteflika pour briguer un troisième mandat s'inscrivent naturellement dans le cheminement des travaux du 11e congrès qui n'a pas, par ailleurs, connu “un débat d'idées” ou “un débat de fond”, notamment sur la nouvelle grille des salaires, l'amélioration du pouvoir d'achat des Algériens et bien d'autres dossiers aussi lourds comme celui des retraités ou des salaires impayés. C'est dire que les choses pressent pour le chef de l'Etat et l'annonce, devant les congressistes, des grandes décisions, comme le versement des nouveaux salaires pour le mois d'avril, renseigne on ne peut mieux sur la position du gouvernement de vouloir se débarrasser de cette “attitude de rigidité” chez les syndicalistes pour passer… aux choses sérieuses. Mieux, le coup d'épée dans l'eau du groupe dit “proche de Mohamed Salah Djenouhat” a encore démontré que l'alternative pose un sérieux problème au sein de la Centrale syndicale. Ce groupe, qui a contesté le report au 9 avril de la désignation des membres du secrétariat national et la non-installation d'un secrétaire général adjoint par le congrès, pourtant souverain dans ses décisions et orientations, s'est vite éclipsé avant même l'arrivée du Chef du gouvernement pour assister à la clôture des travaux du 11e congrès de l'UGTA. En renvoyant l'ascenseur à Bouteflika, qui a loué son grand rôle sur la scène sociopolitique, le vieux syndicat, seul interlocuteur représentatif, veut arracher d'autres acquis en restant une force de proposition incontournable. En attendant, l'UGTA demeure une centrale névralgique où les grands enjeux se dessinent pour le gouvernement et les partis politiques, mais également un espace toujours pas évident à conquérir pour les millions de travailleurs structurés dans les fédérations, souvent victimes de leur représentation dans la base. FARID BELGACEM