Au-delà des dégâts humains et matériels causés par la déflagration, l'Algérie renouait ce jour-là avec le pire des cauchemars. Le terrorisme, que l'on croyait définitivement circonscrit aux régions reculées et montagneuses, frappait brutalement et avec une rare violence au cœur de la capitale. Il y a tout juste une année, le 11 avril 2007, les Algériens découvraient horrifiés que l'attentat kamikaze est un procédé qui n'a pas seulement cours en Irak, en Afghanistan… Les groupes armés découvrent, eux, une autre façon de faire la guerre à l'Etat algérien, mais avec une portée médiatique encore plus percutante. Dans ce qui semble être une véritable démonstration de force, les membres de l'ex-GSPC visaient plusieurs objectifs à la fois. L'action antiterroriste des services de sécurité devenait très pesante sur les groupes armés encore en activité et les opérations de ratissages déclenchées contre les principaux maquis de la nébuleuse ont fait que l'étau devenait de plus en plus serré pour les éléments réfractaires aux politiques de réconciliation offertes par les pouvoirs publics. En revanche, l'activisme terroriste prenait des relents d'une petite guerre faite d'actions sporadiques, éparses et sans grand effet médiatique. Mais en sus de cette situation qui démontrait on ne peut mieux une perte de vitesse du terrorisme en Algérie, les “émirs” de l'ex-GSPC étaient surtout tentés par une affiliation à l'obscure organisation de Ben Laden. Là aussi, l'objectif recherché était surtout médiatique et sans effet notable sur le plan opérationnel. C'est ce que note d'ailleurs la plupart des observateurs et spécialistes du terrorisme international. Mais, l'opinion, de manière générale, ne pensait pas qu'en échange de cette “coopération”, le GSPC allait jusqu'à adopter les méthodes d'action d'Al-Qaïda, une manière d'être sous les bons auspices de la nébuleuse internationale. C'est ainsi qu'il a décidé de frapper là où on ne l'attendait pas du tout. La cible : le Palais du gouvernement, à une heure de grande affluence, y compris sur les artères jouxtant l'édifice et un commissariat à Bab-Ezzouar. Au-delà des dégâts humains et matériels causés par la déflagration, l'Algérie renouait ce jour-là avec le pire des cauchemars. Le terrorisme, que l'on croyait définitivement circonscrit aux régions reculées et montagneuses, frappait brutalement et avec une rare violence le cœur de la capitale. L'onde de choc dépassait les frontières et les yeux du monde entier se trouvaient une nouvelle fois rivés sur l'Algérie. Et c'est tout le travail de réhabilitation de l'image du pays à l'étranger, entamé depuis plusieurs années, qui s'effondre d'un coup. L'Algérie, en effet, n'avait pas connu d'opérations terroristes d'un tel impact médiatique depuis le massacre des populations civiles de l'automne 1997. Il est vrai, les groupes armés n'ont jamais cessé leurs crimes abjects, multipliant faux barrages, assassinats, attaques de convois des services de sécurité, enlèvements, notamment dans les zones reculées du pays. Des opérations possédant, toutefois, une portée médiatique relativement limitée. Avec l'attaque du Palais du gouvernement, l'attentat kamikaze venait de faire brusquement son entrée dans le lexique du terrorisme algérien. Même les autorités, et à leur tête le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni, n'étaient pas convaincues, dans les premières heures qui ont suivi l'attentat, de la véracité de cette thèse qui, il est vrai, fait peur. Mais les investigations menées par les services de sécurité ont finalement montré qu'il s'agissait bel et bien d'un attentat kamikaze. Une nouvelle et cruelle réalité dont il faut dorénavant s'accommoder. Les évènements enregistrés depuis ont d'ailleurs démontré que ce qui s'était passé devant le siège du gouvernement n'était pas une action isolée et que, malheureusement, ce n'était là que le prélude à d'autres opérations de ce type. Mais on assistera tout de même à quelques mois d'accalmie à ce niveau-là avant que l'on reparle d'attentat suicide. Le 12 juillet, un camion frigorifique chargé de plusieurs centaines de kilos d'explosifs est lancé contre une caserne de l'armée à Lakhdaria tuant 10 personnes et blessant 35 autres, toutes des militaires. Cet attentat s'est produit le jour de l'ouverture des IXes jeux Africains et une semaine après l'appel du président Abdelaziz Bouteflika à intensifier la lutte contre le terrorisme. Cependant, au mois de septembre, le 6 précisément, l'organisation terroriste monte d'un cran dans sa stratégie de déstabilisation du pays en tentant d'atteindre le président de la République, en visite d'inspection à Batna. Reconnu par un policier qui a réussi à l'immobiliser au milieu de la foule attendant l'arrivée du chef de l'Etat, le kamikaze décide alors d'appuyer sur le détonateur de sa ceinture d'explosifs. Bilan de l'attentat revendiqué par la branche Al-Qaïda pour le Maghreb islamique : 22 morts et plus de 100 blessés. Deux jours seulement plus tard, soit le 8 septembre, l'organisation terroriste récidive au centre du pays avec une attaque du même type qui a visé une caserne des gardes-côtes à Dellys. Cette attaque meurtrière se solde par la mort d'une trentaine de militaires. Les blessés se comptent par dizaines. Moins d'une semaine plus tard, les terroristes prennent pour cible, à quelques encablures de Lakhdaria, un convoi de travailleurs étrangers escorté par des gendarmes. Six Algériens, dont cinq gendarmes, deux Français et un Italien ont été blessés. Le convoi avait été heurté par une voiture piégée conduite par un kamikaze, mais l'explosion semble toutefois avoir été de faible puissance. Et si ces actions terroristes, conduites dans la pure tradition de la nébuleuse Al-Qaïda, ont eu un impact certain sur le plan médiatique au point de pousser un certain nombre de chancelleries à mettre en garde leurs ressortissants, c'est l'attentat du 11 décembre qui a le plus marqué les esprits. Et pour cause. Les groupes armés s'attaquent, pour la première fois, à une représentation de l'ONU à Alger, tuant 10 employés onusiens. Sur un bilan d'une journée particulièrement meurtrière où l'on a enregistré près de 70 morts et des dizaines de blessés dans deux attentats simultanés qui ont visé les sièges de l'ONU et du Conseil constitutionnel. C'est donc une année 2007 difficile à oublier tant l'attentat du 11 avril contre le Palais du gouvernement a contribué à remuer le couteau dans la plaie et à rouvrir une page d'un terrorisme que l'on pensait pourtant en déclin. H. SaIdani