Le monde développé nous avertit : la famine menace des populations entières dans le tiers-monde. En Afrique, peu de pays échappent à la menace. En Egypte, les premières émeutes de la faim durent depuis plusieurs jours. Mais ailleurs, sur le continent, les crises politiques couvrent les conditions de sous-alimentation qui entourent les guerres de pouvoir. Les affrontements de Mogadiscio et le piratage occultent la pénurie alimentaire qui sévit en Somalie ; les péripéties des résultats électoraux font oublier que le tiers des Zimbabwéens n'a pas de quoi se nourrir ; et au Darfour, les affrontements frontaliers viennent masquer le long processus génocidaire, compliquant la mission d'aide humanitaire et aggravant l'indigence des populations. Les prévisions n'excluent pas que la tendance se propage vers des régions d'Amérique latine et d'Asie. Après la Banque mondiale, le FMI, le PAM, c'est au tour du secrétaire général des Nations unies de récapituler l'alerte générale. L'Unesco vient, elle aussi, de rendre publics les résultats inquiétants d'une étude qu'elle a parrainée : si les politiques agricoles ne changent pas radicalement, on va au-devant d'une “explosion sociale planétaire” doublée d'un “désastre environnemental”. À moyen terme, l'Europe et l'Amérique du Nord, l'Océanie et une partie de l'Asie n'ont pas à craindre quelque pénurie alimentaire. Mais, on s'y alarme, d'une part, de l'impact des explosions politico-sociales qui risquent de se produire dans le Sud ; on voudrait avoir à réagir à des guerres du riz ou du blé. On ne voudrait pas non plus poursuivre la plongée dans l'inconnu climatique et environnemental ! Cela voudrait donc dire que si la science ne met pas rapidement des moyens “écologiques” d'augmenter la productivité de la terre à la disposition des puissances agricoles, le monde court à une catastrophe politico-humanitaire. Que faire, si l'on n'arrive pas à résoudre l'équation que pose la contrainte de politique intérieure, la religion du “pouvoir d'achat”, qu'on a décrété toujours en progression, et la sauvegarde de l'équilibre physique et politique, déjà précaire de la planète ? Voici la quadrature du cercle qui piège la croissance effrénée dans le Nord que la concurrence sauvage et les égoïsmes nationaux ont débridée. Et voilà qu'au moment où le consensus sur le principe d'un contrôle des effets du développement sur la planète s'est imposé, les derniers arrivés de l'industrialisation refusent de s'y plier au moment où c'est leur tour de surproduire. À l'autre bout de l'échelle du développement, l'Afrique qui ne participe presque pas du tout au réchauffement de la planète commence à réunir les conditions d'avoir la totale : la faim, les affrontements et les dérèglements climatiques. Le sous-développement historiquement infligé au continent s'est aggravé par les conceptions privatives et les agissements mafieux des régimes de l'indépendance. Le Sud, en général et l'Afrique, en particulier ne peuvent rien, ni pour eux ni pour le monde riche. Et le Nord ne peut rien contre sa culture du “toujours plus”. Nous voilà enfin solidairement engagés dans une aventure enfin planétaire. Mais dont l'issue est malheureusement des plus hypothétiques. M. H. [email protected]