Certaines personnalités profitent de toutes les occasions pour rappeler le contrat de Rome. La peine d'emprisonnement des anciens responsables du FIS (dissous), Abassi Madani et Ali Benhadj, expire le mois prochain. Condamnés par la juridiction militaire de Blida en février 1992, pour des chefs d'inculpation multiples — “atteinte à la sûreté de l'Etat notamment” —, ils doivent logiquement retrouver leur liberté dès cet été. Dimanche, dix hommes politiques, dont certains sont au crépuscule de leur carrière, ont rendu publique une lettre demandant la libération de Madani et de Benhadj au bout de leurs douze années d'emprisonnement. Ahmed Ben Bella (1er président de la République algérienne), Abdellah Djaballah (président du Mouvement Islah), Mahfoud Nahnah (président du MSP), Abdelhamid Mehri (ancien secrétaire général du FLN), Fatah Rebaï (secrétaire général intérimaire d'Ennahda), Lahbib Adami (prédécesseur de Rebaï), Ali Yahia Abdenour (président de la LADDH), Ahmed Taleb Ibrahimi (candidat à l'élection présidentielle de 1999), Rachid Ben Yellès (général à la retraite) et Abderrahmane Chibane (ancien ministre des Affaires religieuses) invoquent dans leur lettre l'état de droit et l' “espoir de réaliser la réconciliation nationale”. Les dix signataires veulent de cette manière anticiper sur les événements et mettre la pression sur les autorités. Ils veulent aussi préparer l'opinion à un éventuel maintien en prison des deux leaders du parti dissous. Ils agissent en fait comme si ces derniers (les “chouyoukhs”, les qualifient-ils) étaient déjà retenus arbitrairement après avoir purgé leur peine. Cette lettre a tout l'air de s'adresser aux responsables militaires, qui, en 1992, étaient en charge des affaires du pays, notamment depuis l'arrêt du processus électoral, qualifié par le président Bouteflika — élu avec la bénédiction de ces mêmes militaires — de “première violence”. Concernant l'emprisonnement de Madani et Benhadj, le président s'en est lavé les mains. L'institution militaire en a endossé l'entière responsabilité. En janvier 1995, le contrat de Rome, signé sous l'égide de la communauté chrétienne de Sant‘Egidio, acculait le pouvoir algérien, alors fragilisé par le terrorisme islamiste, dans ses ultimes retranchements. Le contrat parlait de “deux parties en conflit” et demandait expressément la libération de tous les responsables incarcérés du FIS. Ben Bella, Mehri, Ali Yahia et Djaballah avaient apposé leur signature au bas du document. Les errements du régime algérien, militaires, hommes politiques ou puissances financières, sont de véritables bombes à retardement. L. B.