Ali Benhadj ne laisse personne indifférent. Nous sommes à moins de cinq mois de la libération de Ali Benhadj. Un personnage qui représente beaucoup pour le microsome politique algérien. Figure emblématique de l'islamisme radical, le n°2 de l'ex-FIS ne laisse personne indifférent, au sens qu'il symbolise pour certains une grande injustice commise à l'encontre du choix du peuple, alors que d'autres voient en lui le destructeur en chef de l'idéal républicain de ce même peuple. Les uns comme les autres appréhendent la fin de la détention de l'enfant terrible de la classe politique nationale d'autant que sa libération interviendra à moins d'une année de la prochaine élection présidentielle, dont la précampagne a déjà commencé. En fait, pour les islamistes, les nationalistes ou les démocrates, Ali Benhadj est une véritable énigme. Douze années d'emprisonnement séparent l'homme de ses anciens alliés comme de ses adversaires. Aussi, le retour de Benhadj à la vie civile constitue-t-il, pour l'ensemble du personnel politique national, une donne que d'aucuns ne peuvent prétendre contrôler. Pour certains islamistes qui ont toujours milité pour sa libération, à l'image de Abdallah Djaballah, la fin du mois de juin est une date à fructifier sur le plan politique. Le président du MRN, dont la candidature pour la magistrature suprême est d'ores et déjà confirmée, jouera sans doute «la carte Benhadj», mais il n'est pas dit que le plus ancien «prisonnier politique» consentira à servir de thème de campagne, surtout qu'il disposera de sa liberté de mouvement et de parole. Dans le camp des nationalistes, l'on retiendra la personnalité de Ahmed Taleb Ibrahimi. Les prises de position par le président de Wafa vis-à-vis de l'arrêt du processus électoral et de l'emprisonnement des chefs historiques de l'ex-FIS n'est plus à démontrer. Mieux encore, l'ancien ministre des Affaires étrangères a de tout temps été décrit comme la personnalité la plus appréciée des cadres du parti dissous. Son nom a circulé comme probable candidat de la mouvance islamiste lors du coup de force tenté par Abassi Madani en juin 91, lorsqu'il avait demandé une élection présidentielle avant les législatives prévues pour la même année. Mais, là aussi, Ahmed Taleb Ibrahimi ne peut prétendre avoir le soutien d'un Benhadj, sans doute aigri par douze années d'emprisonnement. Dans le camp des démocrates, il est évident que la libération de Ali Benhadj sera saisie au vol pour renforcer la thèse selon laquelle le pouvoir serait en train de mettre en place les conditions pour appliquer sur le terrain le contrat de Sant'Egidio. Rédha Malek, Saïd Sadi et El-Hachemi Cherif feront campagne dans le sens d'une restriction de la liberté de Benhadj, au motif de «sa responsabilité entière dans le drame vécu par le peuple algérien». Seulement, au vu des luttes de leadership qui minent la famille des «démocrates», il est quasi certain qu'une certaine panique gagnera la maison «républicaine» au lendemain de la libération du plus ancien prisonnier d'opinion. Du côté des réconciliateurs, Louisa Hanoune et Hocine Aït Ahmed, bien que disposant de véritables formations politiques à même de conduire une campagne électorale, la donne Ali Benhadj sera, sans doute, prise en compte, d'autant que les deux personnalités ont fermement défendu le contrat de Rome et ont souvent réclamé la libération des deux leaders du FIS dissous. Cela dit, indépendamment de toutes les analyses que l'on peut faire sur les retombées politiques de la libération de Ali Benhadj, la principale personnalité à être interpellée est le chef de l'Etat lui-même qui a hérité d'un dossier lourd qui n'a pas fini de faire parler de lui. En effet, le Président Bouteflika qui remettra l'année prochaine son mandat en jeu, aura à gérer une situation inédite par rapport aux précédents rendez-vous électoraux. Il est clair que le retour de Benhadj constituera un élément nouveau et incontrôlable. De nombreux observateurs estiment que Bouteflika devrait prendre l'initiative de le gracier avant le terme de sa peine, histoire de marquer des points face à ses adversaires mais il semble que le Président de la République n'ait pas vu les choses sous le même angle, puisque toutes les rumeurs sur la libération de Benhadj ont été démenties sur le terrain. Cela dit, le chef de l'Etat, qui a plus d'une année jusqu'à la fin de son mandat, dispose d'une certaine marge de manoeuvre et a toutes les chances de retourner la situation à son avantage. Il lui suffira d'attendre les réactions de Ali Benhadj aux différentes sollicitations dont il fera l'objet pour agir, dans une campagne électorale qui promet d'être la plus mouvementée de l'histoire de l'Algérie indépendante.