“L'ingérence entre définition”, droit et devoir, tel est le thème du débat qui a eu lieu hier au Forum d'El Moudjahid en présence de plusieurs avocats, notamment Me Lacheraf, et Me Assoul représentante de l'Association des femmes juristes arabes. Selon les intervenants, en dépit des idées généreuses qui animent les promoteurs de l'ingérence, les incertitudes qui entourent ce droit, ont d'emblée suscité le questionnement et même la critique, d'autant qu'on ne sait pas très bien s'il est seulement d'ordre moral ou destiné à être incorporé dans l'ordre juridique international existant. Celui-ci repose, depuis des siècles, sur un postulat : la souveraineté des Etats. En conséquence, un Etat n'est pas lié par une règle de droit — et en particulier par une règle qui protège les droits de l'Homme —, que s'il l'a acceptée en ratifiant un traité ou en adhérant à une règle coutumière existante. Ainsi, les droits de l'Homme n'ont-ils nullement, sur le plan juridique, la même étendue à l'échelle universelle. Cependant, les interlocuteurs estiment que la doctrine du “droit d'ingérence” tend à prendre à contre-pied de ce système juridique international, en remettant en cause le concept même de souveraineté sur lequel il s'appuie. Le pouvoir de l'Etat doit, en effet, plier, au nom d'une “morale de l'extrême urgence”, devant les nécessités d'une protection minimale des droits de la personne. L'assistance humanitaire doit donc pouvoir être mise en œuvre au-delà des frontières, et peu importe si tel Etat s'est engagé à respecter une règle, à accepter la compétence d'un juge ou les pouvoirs “d'une police internationale” l'échelle mondiale. “L'expression du droit d'ingérence est dépourvue de tout contenu juridique” a précisé Me Assoul. Me Lacheraf, pour sa part, estime que “le concept de l'ingérence, qui peut paraître séduisant en théorie, ait mené et mène encore à de nombreux abus en pratique”. À titre d'exemple, le récent cas du Kosovo concentre en lui l'ambiguïté d'un “droit d'ingérence” mené, au nom de la communauté internationale, par une coalition des plus grandes puissances militaires mondiales. N. A.