Après des années de consultations et de négociations et plusieurs ministres de la Communication, le projet de décret exécutif portant statut du journaliste vient d'être adopté par le gouvernement. Dans la profession, sa pertinence semble faire quorum. Le syndicat du secteur, en ayant revendiqué sa part de paternité, il sera difficile à des journalistes qui ne contestent pas la représentativité du SNJ de le désapprouver. Il faut dire que les éditeurs n'ont pas toujours été d'une particulière attention dans le traitement de leur main-d'œuvre. Parfois passés de la rédaction à l'édition, ils n'ont pas été exemplaires dans la redistribution des fruits matériels de l'ouverture médiatique. Ils bénéficient toujours de la solidarité de leurs employés et néanmoins confrères, et néanmoins compagnons d'infortune face à la menace terroriste et à la répression politique. Ils sont presque dispensés de déontologie patronale pour cause de cause commune. De son côté, le pouvoir a bien pris soin d'intervenir, par son monopole “de jure” sur la publicité, par son monopole “de facto” sur l'imprimerie et par ses interventions fiscales abusives pour agir sur la santé financière respective des différents titres. Le souci d'orienter les ressources publicitaires publiques en fonction de critères occultes est illustré par le fait qu'un pays, qui accable la profession de toute la rigueur de la loi, dispense les journaux de publier leur OJD. Les publications sont, de fait, exemptées de cette obligation légale, unique procédé par lequel le lecteur et, surtout, l'annonceur peuvent prendre connaissance du tirage et, donc, de l'audience d'une publication. Ainsi, l'allocation politique des ressources publicitaires institutionnelles passe inaperçue. Cette intervention, ajoutée à l'usage politique de l'agrément, fait qu'aujourd'hui, le monde éditorial n'est pas fait que de vocation journalistique et de réussites éditoriales ; il est fait aussi d'opportunismes affairistes, d'infiltrations politico-mafieuses, têtes de ponts d'intérêts divers… Dans le privé, le statut du journaliste aura à subir la résistance d'une profession pas encore habituée à la rigueur des rapports sociaux et où rien n'a été fait pour se préparer à l'évolution, nécessaire, du secteur de l'information : l'investissement dans l'amélioration des conditions de travail et la préparation et le perfectionnement du personnel a été nul. La prospérité du marché de la publicité, qui, pour certains gros annonceurs, d'un côté, et pour le pouvoir, de l'autre, frise l'acte de trafic d'influence, fait que la santé économique d'un journal a peu de rapport avec sa qualité technique et son efficacité informationnelle. Le journaliste en devient presque un alibi. Souvent, il se complet dans la facilité du rôle secondaire de la qualité rédactionnelle, mais si la situation le dévalorise. Cela dit, la codification des droits et devoirs du journaliste ne peut nous faire oublier les deux obstructions historiques qui hypothèquent l'avènement de la liberté d'expression : la levée du monopole sur l'audiovisuel et la dépénalisation du délit de presse. Il sert à peu d'accéder au statut de journaliste dans un pays qui n'a pas accédé à la réalité de la liberté de presse. M. H. [email protected]