Notre pays, en donnant la priorité aux hydrocarbures et à l'industrie de base, a relativement négligé l'agriculture et les activités en aval. “Comme beaucoup de pays en développement, l'Algérie est dépendante du reste du monde en matière alimentaire”, regrette M. Hocine Benissad, économiste et ancien ministre de l'Economie, intervenant lors du 7e colloque scientifique international sur “la sécurité alimentaire, quelle stratégie pour le développement agricole ?” organisé à la Bibliothèque nationale d'Algérie, par l'Association nationale des économistes algériens. M. Hocine Benissad estime que “l'Algérie indépendante, en donnant la priorité aux hydrocarbures et à l'industrie de base, a relativement négligé l'agriculture et les activités en aval”. Du coup, notre pays, aujourd'hui, est vu comme “un grand débouché pour les surplus agricoles des pays développés (Etats-Unis, Union européenne, Canada, etc.)”. Pourtant, selon l'ancien ministre de l'Economie, “depuis la déréglementation drastique du commerce extérieur, intervenue au début des années 1990, ce sont l'agriculture et l'industrie agroalimentaire qui ont le plus résisté aux coûteuses restructurations d'activité liées, entre autres, à l'exacerbation de la concurrence étrangère”. M. Hocine Benissad a présenté, dans sa communication, la situation de l'industrie agroalimentaire, en Algérie, ses atouts et ses difficultés à s'insérer dans la mondialisation. Avec une consommation annuelle per capita de 220 kg de produits céréaliers et de 180 kg de semoule et de farine (la plus élevée dans le monde), estime, M. Benissad, “il n'est pas surprenant qu'ils dominent le budget du consommateur, formant le quart de sa dépense ; cette caractéristique découle de traditions culinaires et aussi, du soutien financier (quoique limité) de l'Etat à ces produits”. Alors que la demande annuelle de céréales s'élève à 7 300 000 tonnes, leur production fluctue, bon an mal an, entre 0,9 et 4,9 millions de tonnes ; en 2004, en dépit d'une pluviométrie très favorable, le secteur agricole n'a couvert que 54% des besoins domestiques. Car, en plus des facteurs naturels, cette activité souffre de son faible rendement (en moyenne 7 quintaux/ha et, exceptionnellement, 25 quintaux/ha contre 80 à 100 quintaux/ha, aux Etats-Unis et en Europe). “Le faible niveau de rendement ne semble pas inévitable”, plaide l'ancien ministre de l'Economie. Concernant la filière corps gras, son handicap majeur, réside dans sa dépendance “quasi-intégrale vis-à-vis d'inputs provenant de l'étranger”. La production d'olives, elle, s'est dramatiquement rétrécie, même si la politique agricole récente a permis d'étendre, de près de 50% ; le verger oléicole, en 1999/2004. Le volume de production d'olives est irrégulier, du fait des aléas climatiques et des techniques employées faisant apparaître, entre autres, un besoin flagrant de formation. En moyenne, la production annuelle est légèrement supérieure à 2 millions de quintaux, sauf exception (plus de 4,5 millions de quintaux, en 2004) ; plus de 10% de cette production se dirigent vers la consommation directe, de table. “Il y a deux à trois décennies, l'olive algérienne était commercialisée en Europe, centrale et occidentale”, rappelle M. Benissad qui ajoute que près des trois quarts des huileries, réparties dans plusieurs régions, sont artisanales avec une inclinaison à la modernisation ; la production d'huile reste modeste bien qu'elle ait augmenté d'environ 29 000 à 74 000 tonnes, en 2000-04. Cette rareté relative en fait un produit cher. Par ailleurs, son bas taux d'acidité entrave l'exportation à prix acceptable. Au sujet du lait, l'ancien ministre de l'Economie souligne que l'Algérie est, en effet, un des plus grands importateurs de lait au monde. Sa consommation per capita (117 litres) est deux à trois fois supérieure à celle du reste du Maghreb. Sa demande globale annuelle est estimée à 3,7 milliards de litres de lait et pourrait avoisiner les 6 milliards de litres dans cinq ans. M. Hocine Benissad parle “d'obstacles qui empêchent le système productif algérien d'émerger comme exportateur significatif, s'inscrivant, de façon crédible, dans l'après-pétrole, et les exigences de la compétitivité et de la spécialisation internationales”. L'ancien ministre de l'Economie cite, en outre, l'accès malaisé au crédit bancaire pendant que les autres formes de financement n'existent pas ou ne font que balbutier ainsi la rigidité de l'offre foncière. “De nombreux investisseurs potentiels ont cherché vainement, parfois pendant des années, des terrains d'assiette appropriés (livrés souvent à la spéculation improductive, stérile)”, relève-t-il. M. Benissad évoque aussi l'inefficience des administrations économiques qui paralysent et découragent l'initiative privée, la concurrence étrangère déloyale associée, dans certaines circonstances, à la contrefaçon et à l'économie informelle. L'ancien ministre de l'Economie cite, par ailleurs, le niveau élevé des prix de détail des produits agroalimentaires dus à des circuits de distribution, longs et inefficaces. “Un tel niveau comprime les débouchés de ces produits et, par contrecoup, empêche un meilleur usage de l'appareil de production domestique”, affirme-t-il. Sécurité alimentaire Des experts appellent à la mise en place d'une stratégie Les travaux du 7e Colloque scientifique sur la sécurité alimentaire et la mondialisation ont été sanctionnés par la proposition de “la mise en place d'une stratégie sur la sécurité alimentaire aux niveaux national et régional arabe, qui sera élaborée par tous les pays concernés et mise en œuvre de manière coordonnée”. Les participants ont évoqué également l'importance de la transformation des produits agricoles, estimant nécessaire d'assurer la disponibilité de ces produits au niveau du marché. Les participants ont souligné la nécessité “de renforcer l'importance du secteur agricole dans la stratégie de développement économique”. Il a été également question de l'utilisation accrue des techniques agricoles modernes en vue d'augmenter la production. Le secteur agricole devrait bénéficier, selon ces experts, du soutien appuyé de l'Etat en matière de recherche scientifique et d'orientation agricole afin que l'agriculture algérienne soit compatible avec les exigences d'adhésion à l'OMC. Meziane Rabhi