On a cru définitivement disparus les héritiers de Ben Badis et d'El-Ibrahimi, d'autant que l'Association des ulémas s'est complètement éclipsée, à un moment où le pays avait besoin d'un contrepoids aux assauts des islamistes. En effet, l'association s'est fait oublier durant les années 1990 au summum de l'insécurité laissant le champ aux terroristes justifier avec “un islam autre” les massacres et les crimes qu'ils commettaient. Instinct de préservation ou refuge ? Toujours est-il que les ulémas tout comme d'autres exégèses ont abandonné le terrain de l'interprétation et de la prédication pour les groupes radicaux qui se sont exprimés par une incroyable violence. Un silence apprécié à la fois comme une faiblesse et une “complicité passive” des ulémas qui ont vécu à la périphérie immédiate du pouvoir. Ce même pouvoir et d'autres circonstances qui permettent aujourd'hui à l'association de se faire une seconde jeunesse pour se placer dans la représentation de l'islam officiel. L'association tient son congrès déjà présenté comme un événement. Un événement qui n'est pas sans rappeler les prises de bec avec le département des affaires religieuses ainsi que l'affaire de l'évangélisation dont les prises de position du président de l'association, M. Abderrahmane Chibane, ont parfois scandalisé de par leur contenu “inquisiteur”. Il est vrai que le combat contre l'évangélisation (terme utilisé pour les évangélistes de l'église anglicane) ne passe pas forcément par la stigmatisation d'une région et le fichage des fidèles comme des individus dangereux. Ce qui annonçait une chasse aux sorcières d'un nouveau genre. M. Chibane a recommandé cela, poussant l'autre partie à radicaliser ses positions par presse et web interposés. L'absence d'une réaction officielle claire a donné des ailes à l'association par la voie de son président pour poursuivre son œuvre de maladresses qui a déchaîné les chancelleries étrangères accréditées à Alger. Cela a permis à M. Chibane de revenir et d'occuper seul une scène sensible. Depuis, l'incident est clos. Et l'association replonge dans le silence pour préparer son congrès. Le prétexte de l'évangélisation ou le dossier de la caisse de la zakat, vu sous cet angle, semble avoir été les éléments d'une mise en scène pour sortir l'Association des ulémas d'une léthargie de plus d'une décennie. Pour le fond, on a utilisé des formules excessives, des positions tranchées et radicales susceptibles de choquer. Le but était de se positionner, de se manifester sur un terrain aliéné et de se faire entendre quitte à paraître comme le représentant de l'islam algérien inscrit dans la Constitution. Périlleux pari qui risquait de faire de l'Algérie un pays fermé aux autres religions alors que sa loi fondamentale consacre la liberté de culte. Dans cette optique, il faut reconnaître que M. Chibane qui a eu le courage de ses positions a réussi à hisser l'Association des ulémas au rang d'acteur dans un pays qui vient de sortir d'un cycle de violence sous le couvert d'un islam perverti et dénaturé. Le clou sera donc ce congrès. Mais pour autant, l'on peut se demander si l'association, qui s'est presque auto-déléguée à la place des autorités dans le dossier d'évangélisation, ne va pas désormais s'aligner clairement sur le pouvoir et s'en rapprocher davantage. Djilali B.