Le ministre de la Jeunesse et des Sports a commenté le rapport qu'il a présenté au Conseil de gouvernement sur son secteur. La remarque ne rassurera personne, mais la jeunesse et le sport ne sont pas les seuls domaines sinistrés de la vie nationale. Les problèmes liés à la jeunesse “résident dans le mode de gouvernance”. C'est le ministre qui le dit. Mais s'il prend la précaution de préciser que ce n'est pas une question de “volonté politique”, le paradoxe sert probablement pour expliquer qu'on peut changer de “mode de gouvernance” sans changer de “volonté politique” qui, elle, peut être immuable et irréprochable. La solution pour la jeunesse tient en une idée : une “touiza” nationale. Ce concept, thiwizi dans sa version berbère originelle, est tiré du lexique traditionaliste et désigne une pratique sociale de volontariat pour expédier en masse une tâche exigeante en main-d'oeuvre. De fondement communautaire, elle profitait aussi, parfois, aux plus nantis. En attendant de connaître la nature de cette nouvelle “tâche d'édification nationale” (TEN pour les nostalgiques des “révolutions” sectorielles), on sait qu'elle propose donc de mettre tout le monde à l'ouvrage pour sauver la jeunesse et le sport. Mais Djiar ne nous dit pas comment il compte abolir le funeste “mode de gouvernance” qu'il n'a d‘ailleurs pas identifié. Il en rend seulement responsable la “décennie noire”, source désignée des maux d'hier et d'aujourd'hui. Si tel est le cas, pourquoi donc l'état du sport a empiré depuis le début de la prétendue “décennie rose” ? Le football ne cesse de péricliter, toutes décennies confondues, mais dans d'autres disciplines, notre hymne national a souvent retenti dans les arènes sportives durant cette damnée “décennie noire”. L'Algérie était à cinq médailles à Sydney 2000, trois médailles à Atlanta 1996 et 12e nation à Barcelone 1992 (juste derrière la France). Mais, plus tard, en pleine “décennie rose”, elle n'apparaîtra même pas dans le tableau des médailles d'Athènes 2004 (année des meilleurs résultats pour l'Afrique). Sans spécifier “le mode de gouvernance” en faute, le ministre en a cependant reconnu les effets : “Une situation pas réjouissante” marquée par la violence et la corruption. N'est-ce pas l'Etat qui a conçu le stade comme exutoire de la malvie des jeunes, unique espace de défoulement à portée de la bourse de la masse de jeunes chômeurs et de sous-payés ? À tel point que leurs débordements sont tolérés jusque dans les avenues des villes “sportives”, les jours de match. Il suffit de klaxonner et de sortir un emblème de club pour avoir droit à tous les excès sur la voie publique ! L'usage politique a fait des clubs de football des sectes courues par les hommes politiques pleins d'arrière-pensées électoralistes. Leurs dirigeants, sollicités comme faiseur d'opinions, ne se gênent pas pour exploiter cette notabilité politique dans leurs propres affaires. Les associations sportives sont devenues des enjeux politiques et des enjeux d'affaires. Dans notre système, les deux sont intimement liés. Le drame du sport et de la jeunesse est effectivement dû au mode de gouvernance. Mais pas besoin de se tromper d'époque pour en faire le bon diagnostic. M. H. [email protected]