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Orpheline de ses Algériens
Oujda
Publié dans Liberté le 17 - 05 - 2003

“Ca ne va pas mon frère ; depuis que les Algériens ne viennent plus, nous travaillons au ralenti.” Ces propos d'un jeune gestionnaire d'un hôtel au centre-ville d'Oujda, fortement teintés de désespoir, traduisent assez fidèlement la léthargie qui frappe de plein fouet le tourisme dans cette région.
Djamel est dépité. Avant même que nous ne déclinions notre nationalité, il se laisse aller à une pensée gorgée de nostalgie pour ces cortèges d'Algériens qui peuplaient, quotidiennement, son établissement durant les années bénies de l'amitié algéro-marocaine. L'hôtel Les Lilas, sis boulevard El-Zerktouni, est aussi beau que la fleur qui a inspiré son propriétaire. Djamel se rappelle, avec beaucoup de regrets, les années où son établissement affichait complet aux premières heures de la matinée. “Même le hall était mis à contribution pour héberger les gens, tellement leur nombre était impressionnant”, se souvient encore notre interlocuteur, hochant la tête comme pour mieux marquer la différence. Aujourd'hui, les temps ont changé. Dramatiquement même. Le patron des Lilas n'a plus personne, ou presque, à se mettre sous “la couverture”. Pas même pour une seule “leila”. Nous sommes les premiers locataires, et il nous accueille avec une chaleur mêlée de curiosité. “En voilà un, un client enfin !”, semble se dire Djamel. Derrière lui, trônent des trousseaux de clefs en métal, accrochés sur un tableau en bois, et qui disent autrement la vacuité des lieux. Son joyau architectural n'attire plus de touristes. Parce qu'il n'y en a plus !
Lui, il passe le plus clair de son temps dehors, causant avec ses amis. Il attend désespérément qu'un hypothétique client pointe le nez. Et l'attente est languissante. Eprouvante pour quelqu'un qui est si habitué à gérer un hôtel-fourmilière. Djamel est consterné par la fermeture de la frontière. Il vivait par les Algériens et pour les Algériens. “Je connais même leurs prénoms, ils étaient mes fidèles clients…” Il se tait, puis lâche : “Je les ai tous perdus de vue… Ils ne viennent plus… malheureusement.” C'est que, on le voit, les Algériens manquent terriblement à ces nombreux hôtels et à ces innombrables restaurants. A Oujda tout simplement. Là où vous irez, on vous dira cette amertume, cette envie que “ça change” entre le Maroc et l'Algérie. On vous demandera aussi de confirmer la rumeur qui annonce “l'imminente” réouverture de la frontière. La place de la gare, jadis plaque tournante du trafic des billets de banque et de la pièce détachée, n'est plus aussi grouillante. Les algériens l'ont désertée. Les marocains aussi. L'hôtel Terminus, situé juste en face de la gare ferroviaire d'Oujda, semble lui aussi avoir marqué son arrêt. Pour longtemps, sans doute. Ses murs décrépis, rongés par la végétation et les feuilles des arbres qui y jettent leur ombrage, annoncent déjà la couleur. Le terminus est terne. Le train qui vient de la lointaine Casablanca ne lui amène plus de clients. C'est à peine si un petit groupe de touristes étrangers y élit domicile pour une nuit. La situation de l'hôtel Ibis de la chaîne Accor, situé juste en face, n'est guère reluisante. Faute de clientèle en nombre, on se rabat sur les opérations de changes des devises, histoire de maintenir un semblant d'activité. Le terminus, tout comme El-Fajr, le Concorde, Oujda, El-Manar et autres hôtels étoilés, chôment à longueur de jours, de semaines, de mois et même d'années. Ils subissent les contrecoups du départ des algériens, dont ils tiraient la raison de leur existence. Ils ont été construits au début des années 1980 pour faire face au rush d'algériens qui venaient ici commercer avec les Oujdis. Leurs propriétaires y voyaient une occasion en or d'amasser beaucoup d'argent. C'est d'ailleurs le seul investissement digne de ce nom à Oujda. Mais le coup d'essai s'est avéré un coup de poker…
Et pour cause, les fortunes bâties à base de devises venues tout droit de Maghnia, d'Oran, d'Alger et d'ailleurs se sont écroulées. Elles ont viré à la faillite. L'espoir s'est mû en cauchemar. Ce terrible sort a frappé tous ces opérateurs d' Oujda qui ont misé gros sur ce filon qu'était le tourisme avec les algériens. Un responsable de la wilaya d'Oujda regrette d'ailleurs que les privés aient jeté leur dévolu sur ce secteur et négligé d'autres. “Moi, je les culpabilise parce qu'ils n'ont fait que construire des hôtels. Or, ce secteur est très aléatoire comme investissement.” S'il est vrai que ce fonctionnaire n'a pas tout à fait tort, dans son constat, il est tout aussi vrai que Oujda est une zone réellement sinistrée, économiquement parlant. Les autorités n'ont consenti quasiment aucun effort pour désenclaver cette région qui a paradoxalement le même sort que Maghnia. Ville de transit, elle vit au gré des flux des touristes. Et leur tarissement lui a été fatal. Même les restaurants qui longent les grandes artères de la ville se contentent du menu fretin. A la sortie, sur l'axe menant à Zouj Beghal, beaucoup de magasins ont baissé rideau. A quelques “pièces détachées” près. Ici, notre regard s'accroche sur le fronton d'un immeuble où est écrit ceci : “Hôtel Oran”. Nous avons donc décidé d'aller passer une nuit dans cet établissement sis boulevard Mohamed-VI, à l'entrée de la ville en venant de la frontière. Ne serait-ce que par nostalgie. L'homme brun d'un certain âge, qui nous accueille, accourt depuis le salon. “Avez-vous une chambre vide ?” interrogeons-nous. “Bien sûr, mon frère, ici toutes les chambres sont vides…” répond-il, visiblement enchanté de trouver un client en cette matinée du 24 avril. “Vous êtes le premier locataire”, dit-il. Il affirme que le taux de remplissage de ce bel hôtel ne dépasse pas les 15%. Et encore !
Notre réceptionniste occasionnel (il doit être un simple agent de sécurité) explique l'origine de l'appellation de l'hôtel au nom d'El-Bahia, par le fait que le propriétaire y avait passé 25 ans. De retour à Oujda, il construit cet établissement et lui donne le nom d'Oran. Voilà pour l'anecdote. Mais il n'y a pas que cela. Notre interlocuteur précise que ça permettait d'attirer les algériens, plus exactement les Oranais du temps où la frontière était ouverte. “Et ça marchait très bien puisque l'hôtel affichait toujours complet”, se rappelle-t-il. A présent, cet édifice qui allie parfaitement confort et bon accueil, est affreusement vide. Les Oranais l'ayant déserté, il ne reste à son propriétaire que son fronton pour entretenir l'espoir ; l'espoir que demain sera meilleur. Pas loin de là, l'hôtel Blida attend désespérément le retour des Blidéens. A l'accueil, un jeune homme nous propose une chambre à seulement 60 dirhams (6 euros). Et négociable ! Le client est rare, autant le retenir, quitte à vendre au rabais. Ici, on a trouvé une recette bien originale pour pallier l'absence de locataires. Le hall a été transformé en… taxiphone. Femmes et enfants font la queue sur fond d'un brouhaha qui tranche singulièrement avec le calme d'un hôtel. “Nous n'avons pas le choix”, se borne à justifier le réceptionniste. Il y a néanmoins pire que cela. Beaucoup d'hôtels offrent leurs chambres pour la prostitution à défaut d'une clientèle “basique”. Cette pratique tend même à se généraliser “au nez et à la barbe” des autorités. Le tourisme sexuel prospère à l'ombre de la léthargie économique qui ronge Oujda.
H. M.


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