Les visites en Algérie de Michèle Alliot-Marie et Bernard Kouchner n'ont pas réussi à lever les réserves d'Alger sur un processus auquel elle adhère dans le principe, tout en faisant connaître ses souhaits de les voir corrigées, en tant que nouvel outil de coopération, entre les deux rives de la Méditerranée. Alger, qui reste à l'écoute, ne veut surtout pas prendre part à une pièce dont les rôles sont déjà partagés. Selon Mourad Medelci, qui s'exprimait hier sur les ondes de la Chaîne I, “le projet de l'union est devenu européen avec le risque de faire de Bruxelles le lieu de la prise des décisions”. Autrement dit, Alger souhaite que le fond du projet soit précis pour devenir un nouvel outil de coopération sur les traces des autres mécanismes, dont celui de Barcelone et non une mouture d'un consensus entre les chefs de file de l'UE. Les Algériens se souviennent encore du “rappel à l'ordre diplomatique” adressé par Angela Merkel à Nicolas Sarkozy au lendemain de son discours de Constantine. Mais Alger reste optimiste et donne le temps au temps. “On a encore deux mois avant la date de lancement du chantier, elle-même, une étape d'un long processus”, précisera le ministre. Ces appréhensions d'Alger sont partagées par d'autres pays du bassin. Le ministre des Affaires étrangères confirme la présence d'une concertation entre certains pays de la Méditerranée, en prévision de la rencontre de juillet, pour en sortir avec de propositions communes. “Il y a une discussion sérieuse comme celle tenue récemment au Caire, il y a écoute, mais aussi des réserves de la part de pays arabes”, notera M. Medelci qui, toutefois, ne limite pas les appréhensions au champ politique, comme on a tendance à le faire croire. En effet, l'approche économique du projet, soit l'essentiel, ne fait pas l'unanimité. “Il y a le cas du financement des projets. L'Union européenne participe à titre symbolique et on nous demande d'aller vers les marchés pour trouver les concours qu'il faut”. Alger et d'autres pays y voient un risque de travestir l'idée pour en faire un espace de négoces à la place d'un projet de coopération stratégique. À ce sujet, 13 ministres des Affaires étrangères se réuniront à Alger, le mois de juin prochain, pour traiter de dossiers lourds comme celui du Moyen-Orient ou encore de l'association avec l'Union européenne. “On relèvera les éléments positifs, et ils sont nombreux, mais aussi les appréhensions communes”, précisera le ministre des Affaires étrangères pour qui il y a une quasi-adhésion au projet. Réouverture des frontières algéro-marocaines : une approche globale Pour l'Algérie, la question de la réouverture de la frontière terrestre ouest est liée à la réunion d'une série de conditions préalables. Forte de son expérience, “la diplomatie algérienne n'agit pas à coups de déclarations, mais sur la base d'un traitement de fond des dossiers”, comme le précisera M. Medelci. Parmi ces préalables, il y a la contrebande, l'immigration clandestine, le terrorisme et le Sahara occidental. À ce propos, Medelci précisera que l'Algérie encourage l'initiative des Nations unies. En attendant le règlement de ce conflit dans le cadre onusien, Alger tient à sa politique de bon voisinage. “Nous avons de bonnes relations avec toutes les parties mais, entre temps, nous avons, aussi, des principes que nous respectons et défendons”, précisera le ministre. Lutte antiterroriste : les USA ne comptent pas sur l'Algérie Invité à commenter les dernières déclarations de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le ministre des Affaires étrangères a tenu à replacer le satisfecit US dans son cadre loin des extrapolations tendancieuses. Pour M. Medelci, l'Algérie a donné le maximum dans le cadre de la lutte antiterroriste et elle continue à le faire, mais dans le cadre d'une approche globale et systémique. Quand à l'Africom, Alger infirme les rumeurs selon lesquelles les USA comptent sur l'Algérie pour combattre le terrorisme. Le pays, qui a souffert le martyre durant les années 1990, a sa propre politique et ses propres moyens. M. Medelci fera la nuance entre prendre part aux travaux de l'organisation et participer à des actions. Ce que cherche Alger, c'est une coopération stratégique loin des besoins factuels. Mourad KEZZAR