Le juge Timothy Workman a programmé une autre audience le 24 juin. Les auditions portant sur l'examen de la demande d'extradition de Abdelmoumen Rafik Khelifa vers l'Algérie risquent de s'éterniser. Alors que les chapitres concernant les garanties en matière de droits de l'Homme et la situation politique en Algérie n'ont pas encore été évoqués, le débat sur le contenu du dossier d'accusation se prolonge indéfiniment. Au cours d'une troisième audition hier matin au tribunal de Westminster à Londres, Ben Branden, porte-parole de la défense, a poursuivi l'énoncé de ses réserves concernant la justesse des charges retenues contre son client. Il s'est attaqué notamment au contenu des rapports faisant état de transferts illicites de fonds à l'étranger, se chiffrant à plusieurs dizaines de millions d'euros. Selon lui, cette accusation a été colportée en l'absence de preuves. “Il n'y a aucun document qui le confirme”, a plaidé l'avocat. Les allégations portant sur le détournement d'une partie des fonds destinés à l'acquisition de stations de dessalement de l'eau de mer lui ont inspiré le même commentaire. S'exprimant de manière générale sur la gestion des ressources de Khalifa Bank, Me Ben Branden a, une fois encore, dénoncé la conduite équivoque de la Banque d'Algérie qui, en dépit des informations à sa disposition, s'est abstenue de prendre la moindre sanction à temps. Pour conforter un peu plus ses assertions sur l'ambiguïté qui entoure l'affaire Khelifa et la nullité des charges contre l'ex-milliardaire, il a rappelé devant le tribunal que la justice française vient de débouter l'Algérie en rejetant ses demandes d'extradition ciblant un ex-responsable de Khalifa Bank, le directeur général de Khalifa Airways et l'oncle de Abdelmoumen. Me Ben Branden a monopolisé la parole pendant presque toute l'audience. Compte tenu de l'importance du dossier, le juge Timothy Workman a programmé une nouvelle séance dans l'après-midi du 24 juin prochain. Durant les deux audiences marathon qui se sont déroulées jeudi et vendredi derniers, les avocats de la défense et de la partie civile se sont employés à convaincre le juge du bien-fondé de leurs versions respectives sur l'affaire Khelifa. Au nom des autorités algériennes, Julian Nowles avait déroulé le feuilleton de ce qui est communément désigné en Algérie comme la plus grande escroquerie du siècle, depuis la création de Khalifa Bank, grâce à un montage financier douteux, jusqu'à la faillite frauduleuse de cette dernière suite à une gestion scabreuse. Me Nowles a fondé son plaidoyer principalement sur des rapports d'experts que son adversaire a tenté de discréditer tout au long de son plaidoyer. Ben Branden a d'abord remis en cause l'authenticité des copies traduites de l'arabe et du français à l'anglais. Relevant l'existence de rajouts et d'omissions de chapitres importants, il a demandé au juge d'ouvrir des investigations. L'avocat a qualifié, par ailleurs, les expertises de superflues. Selon lui, elles ne rendent pas compte de la réalité avec exactitude. Pour Me Ben Branden, tous les faits retenus contre son client souffrent de l'absence de preuves tangibles. S'engouffrant dans les moindres brèches, la défense de l'ex-milliardaire a montré la couleur, lors des audiences procédurales, portant notamment sur l'examen de la forme de la demande d'extradition. Elle avait dénoncé l'absence de mandats d'arrêt appropriés et la confusion dans les termes de la requête. Pour autant, ses remarques n'ont pas eu l'effet escompté sur le juge qui a validé la demande. Il est à rappeler que les auditions de l'ancien golden boy ont commencé le 11 mars dernier, un peu plus de quatre mois après la transmission de la demande algérienne de livraison aux autorités britanniques. Khelifa est en détention depuis 14 mois. Il avait été appréhendé par la police britannique suite à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen délivré par le tribunal de haute instance de la Seine-Saint-Denis en région parisienne, dans le cadre de l‘ouverture d'une information judiciaire sur la faillite des filiales du groupe éponyme domiciliées dans l'Hexagone. S. L.-K.