L'histoire est carrément incroyable. C'est une leçon de volonté et de labour qu'on apprend en sa compagnie. Abderrahmane Ghandour, l'héritier de la forteresse d'Aitmizline, qui date de neuf siècles. Elle est située à l'ouest de la ville de Timimoun, plus précisément à un kilomètre et demi de l'ex-hôtel l'Oasis rouge. Construite sur un rocher, elle offre de sa terrasse l'une des plus belles vues de la région donnant directement sur la sebkha, la palmeraie et l'erg. La forteresse est constituée d'un double mur d'enceinte en argile rouge enlaçant ainsi un terrain de 6 000 m2. Les anciennes pièces aménagées dans l'épaisseur des murs, ainsi que le centre de la forteresse se sont effondrés avec le temps. Il ne reste que la muraille qui date de l'époque. Puisant dans son modeste salaire de gardien de nuit, qui ne dépasse pas 12 000 dinars/mois, Abderrahmane se lance dans une sorte de “folie” dans la reconstruction de l'ancien agham en 1997. Il décide également de respecter l'architecture ancestrale en utilisant les mêmes matériaux de construction d'époque. Il moule les briques d'argile rouge (toub) une par une et les laisse sécher au soleil. À l'aide d'un mélange de sable, d'argile et d'eau, il bâtit les murs. Les poutres sont faites de troncs de palmier coupés en quatre et entre lesquels sont posés des extrémités triangulaires de palme, appelées le kernef, puis recouvertes de paille de palmier. L'ensemble est revêtu d'une couche de 30 à 40 cm d'argile damée blanchie à la chaux afin de constituer une bonne protection contre les rigueurs du climat. Avec une volonté de fer et une âme de bâtisseur, il a consacré dix ans de sa vie à entreprendre tout seul ces travaux d'Hercule sans aucune aide, même pas celle d'un manœuvre. Une œuvre d'envergure qui force aujourd'hui l'admiration et le respect de tout le monde. “Je ne pouvais pas rester les bras croisés et assister à l'effondrement total de notre patrimoine. El Hamdou lillah, avec la volonté et la foi, j'ai pu achever mon projet”, ce sont les seuls mots qu'il prononce timidement en préparant le thé. À travers ce projet, Abderrahmane estime redonner une seconde vie traditionnelle au ksar. La forteresse faite de solides murs d'argile qui lui confèrent une isolation thermique naturelle, mais aussi un confort acoustique de remarquable qualité. La partie rénovée dans le respect de l'architecture traditionnelle comporte un salon, cinq chambres et des sanitaires et trois autres chambres ouvrant sur le premier niveau de la terrasse. Le centre de la forteresse, qui n'existe plus, a cédé la place à une agora en pente douce où pourront se dérouler d'envoûtants récitals d'ahellil, le chant sacré du Gourara. L'agham est doté également d'un vaste jardin où sont plantés des palmiers abritant des cultures vivrières et un énorme bassin d'eau. Abderrahmane envisage de transformer cette forteresse en maison d'hôte à prix raisonnables destinée au touriste, notamment aux étudiants amoureux de la région. “Ne nous oubliez pas, revenez séjourner ici !” lance Abderrahmane sur le seuil de la forteresse. Une phrase qui revient sur toutes les lèvres des personnes que nous avons connues durant notre séjour. Demain, cap la wilaya de Tamanrasset. N. A.