La loi européenne dite “Directive de retour” donne un aperçu de la fameuse Union pour la Méditerranée que la France se propose de lancer le 13 juillet. Dans cette union controversée, pas de place pour la circulation des hommes et chasse aux immigrés indésirables, notamment les ressortissants des rives du sud de la Méditerranée. La directive, adoptée avec une majorité confortable, et sans aucun amendement, par les députés européens, est destinée à faciliter l'expulsion de ces derniers qualifiés de sans-papiers. Le ministre français de l'Immigration, Brice Hortefeux, dont le pays est auteur de la directive, s'est réjoui en annonçant une augmentation de 80% des reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière pour les cinq premiers mois de 2008 (14 660), par rapport à la même période de 2007 et la baisse de l'immigration familiale (regroupement). L'objectif des expulsions pour 2008 est de 26 000, a-t-il précisé. Paris estime le nombre de clandestins, donc à expulser, à 400 000. Hortefeux s'est, par ailleurs, félicité du rééquilibrage en faveur de l'immigration “choisie”. Depuis juin 2007, la France a accueilli 30 170 travailleurs étrangers et tout le monde sait qu'ils proviennent d'ex-pays de l'Europe socialiste membres aujourd'hui de l'UE. Bruxelles a donc enfourché le cheval de Sarkozy. Sa directive prévoit l'expulsion de tout clandestin en situation irrégulière vers son pays d'origine, un pays de transit ou un autre pays que l'expulsé aura choisi ! Un délai de 7 à 30 jours est prévu pour un “retour volontaire” du sans-papier. Une rétention peut être décidée en cas de “risque de fuite” ou de refus de l'expulsion. Cette batterie de lois anti-immigrés existe en réalité chez tous les pays européens d'accueil qui ont durci leur juridiction depuis 2001. Qu'est-ce que ça va changer alors ? Actuellement, la durée de rétention varie considérablement selon les pays de l'UE. Elle est illimitée dans sept pays européens (dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas). En France, elle est d'une durée maximale de 32 jours, en Grèce de 3 mois. La loi instaure la rétention pour une durée maximale de six mois, qui peut être prolongée jusqu'à 18 mois. Les expulsions seront suivies d'une interdiction d'entrée au sein des pays de l'UE de 5 ans. Le texte dit garantir “l'accès à l'éducation” des mineurs et inciter à prendre en compte “l'intérêt supérieur de l'enfant”, alors qu'il autorise l'expulsion des mineurs “non accompagnés” vers des pays où ils n'ont ni tuteur ni famille. Pour les partisans de la directive, à leur tête la France qui s'apprête à présider l'UE, ce texte permet “d'harmoniser” la législation européenne. Des pays seront obligés de durcir leur législation pour s'adapter à la nouvelle loi, sauf le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni qui bénéficient d'exemptions dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Les opposants dénoncent, de leur côté, une détérioration des conditions d'expulsion dans les Etats membres ayant aujourd'hui une législation plus favorable. Ils s'inquiètent aussi d'une aggravation des conditions de détention déjà difficiles. On aura remarqué le silence des ONG promptes à dénoncer les atteintes des droits de l'homme notamment dans les pays du Sud. Deux poids, deux mesures. D. Bouatta