Le Parlement européen votera demain le texte de compromis concernant la directive relative au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Une fois adopté, ce texte régira les procédures et conditions dans lesquelles les migrants en séjour irrégulier en Europe seront contraints de retourner chez eux ou dans les pays de transit. Un texte qui n'a pas manqué de soulever d'acerbes critiques des organisations des droits de l'Homme, notamment le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'Homme (REMDH). Ce texte controversé fixera définitivement la durée de rétention, l'interdiction du territoire ainsi que le traitement des personnes vulnérables et des mineurs non accompagnés. La directive qui ne garantit d'aucune manière le respect des droits fondamentaux spécifie que le retour forcé peut se faire vers les pays par lesquels les migrants ont transité avant d'entrer sur le territoire de l'Union européenne, et ce, même s'ils n'y ont aucune attache durable. En d'autres termes, les Européens chassent les migrants clandestins hors de leurs frontières tout en rejetant la responsabilité de leur devenir sur les pays de transit par lesquels ils sont passés. Des expulsons qui se feront vraisemblablement sans se soucier de la situation des droits de l'Homme dans les nouveaux pays d'accueil. Ces pays, principalement ceux d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, sont loin d'être des exemples en matière de droits de l'Homme. «La pratique de la détention arbitraire et de la torture est chose courante dans nombre d'entre eux», fait remarquer le Réseau méditerranéen des droits de l'Homme. A cela s'ajoute évidemment le fait que les législations de la quasi-totalité de ces pays criminalisent le séjour et le franchissement irréguliers de leurs frontières. Les lois en vigueur dans ces pays, faut-il le préciser, prévoient pour cela des peines pouvant parfois aller jusqu'à un an de prison, assorties d'amendes. Autrement dit, l'UE lègue la responsabilité de la prise en charge des migrants clandestins à des pays qui n'ont pas les moyens mais aussi qui sont eux-mêmes pourvoyeurs de ces migrants. Ce qui fait dire au président du Réseau méditerranéen pour les droits de l'Homme, Kamel Djndoubi : «En renvoyant des migrants vers les pays de transit plutôt que vers leur pays d'origine ou de résidence habituelle, non seulement l'UE transfère la responsabilité de leur prise en charge vers des pays qui n'en ont pas les moyens, mais elle les met aussi et surtout dans une situation où ils risquent de voir l'ensemble de leurs droits bafoués.» Si la directive européenne met sournoisement en avant le principe du non-refoulement, elle ne met parallèlement en place aucun mécanisme pour la vérification de l'application de ce principe. Pourtant, les cas de refoulement existent bel et bien. Le refoulement de Sami Essid vers la Tunisie par le gouvernement italien et ce, malgré l'interdiction prononcée par la Cour européenne, en est l'exemple édifiant. La Grèce, quant à elle, en totale violation du principe de refoulement, n'a aucun scrupule à renvoyer les réfugiés afghans vers la Turquie. Comment peut-on prétendre alors que l'on fera respecter le principe du non-refoulement ? Summum du paradoxe, c'est cette même UE, schizophrène, qui appelle les pays de la rive sud de la Méditerranée à rallier le projet français de l'union pour la Méditerranée (UPM) les 13 et 14 juillet prochain à Paris. Une union où, non seulement, la liberté de circulation des personnes n'est pas admise mais où l'Europe de «l'immigration choisie» se déleste des immigrants «indésirables» pour les «fourguer» aux pays du Sud. Et pourquoi pas pour les accuser dans un futur proche de non-respect des droits des émigrants clandestins refoulés des territoires européens. Ce double langage, pour ne pas dire hypocrisie européenne, donne plus de force aux arguments des partisans du «non» à l'UPM. La défiance des voisins du Nord est plus que jamais de mise. G. H.