«Je ne te demande pas quel est ton nom, je te demande quelle est ta douleur» Louis Pasteur Par la loi inique du 17 mai sur l´immigration choisie, Nicolas Sarkozy fait la loi, il surfe sur les peurs des Français en leur donnant un bouc émissaire -l´immigré et par extension le beur- par ces temps en France qui sont au désenchantement. Nous y voilà, les ambitions impatientes pour être président ne passent pas forcément par la nécessité de brimer des enfants, descendants de ceux qui ont défendu et construit la France à une époque où plusieurs hommes politiques sont issus de pays ennemis de la France. Perception de l´immigration sur l´échiquier politique L´unanimité de la France qui se vérifie dans les heures difficiles telles que, par exemple, la loi sur le foulard, se vérifie aussi d´une façon ou d´une autre s´agissant de la position sur l´immigration. Voici quelques phrases, souvent controversées, prononcées par les responsables politiques français sur la question de l´immigration qui nous permettent de vérifier l´unanimité du message formulé de façon différente. Pour François Mitterrand: " La France ne compte aujourd´hui pas plus d´immigrés qu´en 1982 et pas plus qu´en 1975 par rapport à la population française qui s´est accrue". "Le seuil de tolérance a été atteint dans les années 1970 et il n´y a pas eu depuis d´aggravation" (10 décembre 1989). Son Premier-ministre, Michel Rocard, est resté célèbre par une petite phrase reprise à qui mieux-mieux par la droite et l´extrême droite: "Le temps de l´accueil de main-d´oeuvre étrangère relevant de solutions plus ou moins temporaires est donc désormais révolu" et "nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde" (7 janvier 1990). Pour Jacques Chirac: "Le travailleur français qui habite à la Goutte d´or et qui voit, sur le palier à côté de son HLM, une famille avec un père, trois ou quatre épouses, une vingtaine de gosses, qui touche 50.000 FF de prestations sociales sans travailler. Si vous ajoutez à cela le bruit et l´odeur, le travailleur français sur le palier, il devient fou. Ce n´est pas être raciste que de dire que nous n´avons plus les moyens d´honorer le regroupement familial" (20 juin 1991). Pour Edith Cresson c´est plus poétique, elle fait, même, dans l´humour: "Les charters, ce sont des gens qui partent en vacances avec des prix inférieurs. Là, ce sera totalement gratuit et ce ne sera pas pour des vacances. Ce sera pour reconduire des gens dans leur pays lorsque la justice française aura établi qu´ils n´ont pas le droit d´être chez nous" (8 juillet 1991). Valéry Giscard d´Estaing nous met en garde contre un possible 732 qu´on ne peut conjurer que par la pureté du sang (limpeza de sangre, dirait le cardinal Cisneros responsable de la mort de milliers d´Andalous et de l´expulsion de dizaines de milliers d´autres): "Le type de problème auquel nous aurons à faire face se déplace de celui de l´immigration vers celui de l´invasion (...) La facilité des déplacements et l´ouverture des frontières recommandent de revenir à la conception traditionnelle de l´acquisition de la nationalité française: celle du droit du sang" (21 septembre 1991). Pour Charles Pasqua qui assume sa xénophobie maghrébine: "L´objectif que nous nous assignons, compte tenu de la gravité de la situation économique, c´est de tendre vers une immigration zéro" (1er juin 1993). Le seul qui est constant dans ses positions est Jean-Marie Le Pen: "L´interruption volontaire de nationalité" contribue à "peupler la France d´une masse passive et hétérogène d´individus sans repères" et à la transformer en "satrapie du nouvel ordre mondial" (3 octobre 1998). Le dernier, Nicolas Sarkozy, qui veut chasser sur les terres de tout le monde pour arriver en rajoute: "Si certains n´aiment pas la France, qu´ils ne se gênent pas pour la quitter" (22 avril 2006, paraphrasant un slogan utilisé par le Front national de la jeunesse puis par le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers). (1). La France vient de voter une deuxième loi Sarkozy encore plus coercitive que la précédente du même Sarkozy. Pourtant, la législation européenne, la politique relative à l´immigration se place dans le cadre de l´espace de liberté, de sécurité et de justice institué par le traité d´Amsterdam (titre IV). Le droit au regroupement familial : directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003. Le statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée: la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, harmonise les législations des Etats membres qui doivent reconnaître un statut de " résident de longue durée " obtenu après cinq années de résidence légale et ininterrompue. Ce statut est lié à la possession de ressources stables et suffisantes sans avoir recours à l´aide sociale. (2). La loi votée en France sur l´immigration est de ce fait en totale contradiction avec les directives européennes. Au terme de deux semaines de débats, les sénateurs ont adopté, vendredi 16 juin dans la nuit, le projet de loi immigration et intégration. Ils ont modifié le texte voté par l´Assemblée nationale par quelques amendements visant à "humaniser" certaines des dispositions les plus controversées. Aussi, l´attribution de la carte "talents et compétences", destinée à recruter des élites, sera-t-elle subordonnée à un accord de partenariat avec le pays d´origine, pour les ressortissants d´une cinquantaine de pays en développement. Et elle ne pourra être renouvelée qu´une fois. Le principal apport des sénateurs sur le codéveloppement porte toutefois sur la création d´un "compte épargne codéveloppement" pour les travailleurs originaires de pays en voie de développement. Les sommes versées sur ce "compte bloqué" seront déductibles du revenu imposable à concurrence de 25% et de 20.000 euros par personne, et ne pourront être débloquées "que si l´épargnant justifie d´un investissement dans les pays en voie de développement". Le projet de loi, pour lequel l´urgence a été déclarée, doit être maintenant soumis à une commission mixte paritaire qui se tiendra probablement le 21 juin. (3). " Sarko, raciste ! Sarko, dehors! ", pouvait-on lire sur les banderoles lors de la visite, dernièrement, du ministre de l´Intérieur français au Mali et au Bénin. Alors qu´en France, Sarkozy insiste sur l´adjectif " choisie ", en Afrique il a précisé que, " dans immigration choisie, il y a d´abord immigration ". "Ce n´est pas honnête de vouloir prendre nos diplômés, alors que je dépense beaucoup d´argent pour les former", déclare le président Abdoulaye Wade qui s´élève à nouveau contre l´immigration "choisie". Abdoulaye Wade, le président du Sénégal, a une fois de plus exprimé ses réticences, lundi 22 mai, face à la loi française sur l´immigration "choisie". "Moi, en tant que président du Sénégal, je suis contre l´émigration et je ne choisirai rien du tout", "Je ne veux pas que les jeunes qualifiés s´en aillent", "La France devrait avoir une autre attitude à notre égard plutôt que de nous prendre les cadres que nous formons", "M. Sarkozy peut avoir la politique qu´il veut. Mais ce n´est pas honnête de vouloir prendre nos diplômés, alors que je dépense beaucoup d´argent pour les former. Je consacre 40% de mon budget à l´éducation et je ne veux pas que les ingénieurs, les jeunes qualifiés s´en aillent". (4) "Clearstream, écrit Eric Fottorino, pour Sarkozy, rime avec victime, la question de l´immigration choisie montre que le ministre de l´Intérieur peut aussi montrer les dents, comme on le sait depuis la crise des banlieues et l´usage verbal du Karcher. "La France n´a pas économiquement besoin de l´Afrique", a déclaré Sarko le 18 mai à Bamako, lors d´un débat houleux. Propos bien imprudent pour des raisons au moins pétrolières. Et si la France peut se passer de l´Afrique, l´Afrique, elle, peut se passer du mépris de Sarkozy. (5). La Chine déploie des efforts considérables pour s´y implanter. Pure philanthropie, sans doute, trouveraient à redire les conseillers du " Sans peur et sans reproche ". Moins d´une semaine après le vote de la loi sur l´immigration, pour gonfler ses statistiques, le ministre français de l´Intérieur, Nicolas Sarkozy, procède à des expulsions du territoire, honteuses sur le fond, illégales dans la forme, et contraires aux engagements du gouvernement. Mariam Sylla et ses deux enfants Mohamed (5 ans et demi) et Aïssata (3 ans) ont été embarqués de force dans un avion pour le Mali, le samedi 13 mai 2006. Mariam Sylla a été interpellée le jeudi 11 mai, dans l´Eure où elle visitait une amie. Le soir même elle était placée en rétention à Rouen (Oissel) avec ses enfants. Elle a été expulsée en moins de 48 heures, sans que personne ne soit prévenu. Du jour au lendemain, ces enfants se retrouvent dans un pays qu´ils ne connaissent pas, avec aucune attache, et il est difficile de comprendre le désarroi de ces enfants qui sont traumatisés à vie. Une analogie avec la traque des enfants juifs L´année scolaire s´achevant, les préfectures feront du zèle pour exécuter à la vitesse grand V les arrêtés de reconduite à la frontière édictés contre les familles en situation irrégulière. "Au moins 10.000 jeunes scolarisés et clandestins" sont menacés, affirme le Réseau éducation sans frontières (Resf), association française engagée dans la régularisation de ces jeunes et de leurs familles. Pensons aux enfants juifs cachés par des familles pour éviter d´être envoyés en Allemagne. "Mutatis mutandis", c´est le même enfer qui attend les enfants expulsés. Pourrons-nous voir, malgré les mesures de rétorsion de Sarkozy, des hommes et des femmes braver l´interdit au nom de l´humanité comme ils l´ont si bien fait pour les petits enfants juifs. Dans une pétition lancée fin avril, Resf a appelé àcombattre " la chasse à l´enfant", invitant à "parrainer, protéger et même héberger"ces jeunes clandestins scolarisés et les leurs, quitte à enfreindre la loi et être passible de jusqu´à 5 ans de prison et 30.000 euros d´amende. Le réseau vient de demander à tous les sénateurs et députés de parrainer la famille d´un enfant sans papiers. Le 1er juillet, dernier samedi avant les vacances scolaires, il organisera une "cérémonie d´ouverture de la chasse aux enfants" où il réitérera son appel à la "désobéissance civile" pour protéger les élèves susceptibles d´être expulsés cet été. A l´origine du réseau, Richard Moyon, un enseignant de Châtenay-Malabry, dans les Hauts-de-Seine. Un jour, il y a dix ans, un élève l´aborde en tremblant à la fin d´un cours, lui montre l´"invitation à quitter le territoire" qu´il vient de recevoir. Elèves et professeurs se mobilisent, font le siège de la préfecture. Issa, Mauritanien en 1996, est aujourd´hui Français, et commercial dans une PME. Plusieurs milliers de sans-papiers et leurs soutiens ont manifesté, samedi 10 juin à Paris, pour demander le retrait du projet de loi Sarkozy sur l´immigration et la régularisation de tous les sans-papiers. La polémique suscitée par l´expulsion en fin d´année scolaire d´enfants immigrés scolarisés en France ne pouvait laisser indifférent le socialiste Jack Lang. L´ancien ministre de l´Education nationale parle d´une France plus humaine plus accueillante qui accepte le métissage. " L´école de la République doit être ouverte à ceux qui veulent apprendre notre langue et notre culture. Ces enfants et adolescents ont été adoptés par leur milieu. Le sentiment de séparation est cruel et inacceptable. Ces enfants apportent à leurs camarades un autre regard sur les choses, ce sera une source d´enrichissement ".(6). C´est l´"instinct", disent-ils, qui les pousse à agir. Leur "conscience". Ils sont des centaines, à travers la France, à rester mobilisés. Nicolas Sarkozy a promis la régularisation "au cas par cas" de familles d´enfants scolarisés, menacées d´expulsion. Pourtant, la mobilisation continue de s´étendre. Les habitants de Chavagnes-en-Paillers, petite commune vendéenne de 3000 âmes, s´étaient donnés rendez-vous samedi 10 juin sur la place principale. "Leur" famille, à eux, vient du Kosovo. Mobilisation citoyenne contre les expulsions d´enfants. " A Chavagnes-en-Paillers, "des laïcards, des religieux, des gens très à droite, des gens très à gauche, sont mobilisés", témoigne Ghislaine Clouet, qui rappelle que sa commune a déjà caché des enfants juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mère de trois enfants, Valérie Tranchand n´avait jusqu´alors jamais milité. Par deux fois, elle a pris sous son aile un "enfant caché" de l´école Victor-Hugo. Désobéissance civile? "On doit respecter la loi, mais pas n´importe quelle loi. On peut être amené à désobéir à des lois injustes", "En agissant ainsi, j´ai eu le sentiment de réagir comme lorsque j´aide une personne tombée dans la rue."(7). En conclusion, on sait qu´au niveau planétaire, les masses de migrants en mouvement représentent 200 millions de personnes, soit seulement 3,06% de la population mondiale. Les riches ne peuvent pas prendre en charge le développement de ces pays car c´est là que réside le problème. L´Union européenne a déjà dépensé plus de 145 millions d´euros pour le Sive, système ultramoderne installé sur la côte de Gilbraltar et sur les enclaves pour voir les bateaux sur l´autre rive. Cela n´a pas empêché les " pateras " d´arriver avec leur lot de détresse. Ce n´est pas en forçant les pays à faire les gardes-chiourme interposés contre leurs propres ressortissants que le problème sera résolu. Les pays industrialisés consacrent plus de 800 milliards à l´armement et plus de 400 milliards à la publicité, alors qu´il faudrait moins de 100 milliards de dollars pour éradiquer la pauvreté et commencer à sédentariser les immigrés chez eux. 1. Déclarations : de Mitterrand à Sarkozy...Nouvel Obs. 16.05.2006 2. La législation en Europe concernant l´immigration, aux Etats-Unis, au Canada... Nouvel Obs. 10.05.2006 3. Laetitia Van Eeckhout: Le Sénat adopte et assouplit le projet de loi sur l´immigration. Le Monde du 18.06.2006 4. Abdoulaye Wade: " Ce n´est pas honnête de vouloir prendre nos diplômés. " Nouvel Obs. 23/05/2006 5. Eric Fottorino: " Sarko blanc, Sarko noir ". Le Monde du 23/05/2006 6. Jack Lang: "Ces enfants sont une source d´enrichissement" propos recueillis par Christophe Barbier. Agence Reuters lundi 19 juin 2006. 7. Laetitia Van Eeckhout: Mobilisation citoyenne contre les expulsions d´enfants. Le Monde du 17 06 2006