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Ouyahia Acte III
Le président Bouteflika le nomme chef du gouvernement à la place de Belkhadem
Publié dans Liberté le 24 - 06 - 2008

Ouyahia est increvable. Revenu au-devant de la scène à la faveur de missions spéciales
pour le président Bouteflika, ce dernier lui redonne les clefs d'un gouvernement en panne.
Celui qu'on surnomme “le Poutine algérien” dans les cercles politiques démontre, à travers cette nomination, qu'il a plusieurs vies. Maintes fois, les observateurs politiques l'ont donné “fini”, “hors course” ou “marginalisé”, mais cet Enarque de 56 ans a su rebondir en pariant sur la loyauté et les vertus du silence. Alors que certains l'opposaient à Bouteflika, le présentant comme “un outsider” qui rogne son frein dans ses bureaux du RND de Ben Aknoun en attendant 2009. Alors que d'autres l'encourageaient à s'émanciper du président de la République en se déclarant candidat à quelque chose, lui a préféré écouter sa sagesse acquise à force de coups durs et de trahisons des courtisans intérimaires.
Le retour d'Ouyahia aux affaires est en soi une bonne nouvelle. Car avec un baril à 135 dollars, un plan de relance de plus de 150 milliards de dollars et une Algérie en chantier, le gouvernement était en panne d'idées et d'imagination. Ouyahia est celui qui avait prévenu, à l'aube de l'embellie financière due au pétrole, qu'il fallait opter pour la politique de la fourmi et non de la cigale. C'était trois mois avant qu'il ne remette sa démission, en mai 2006, à un Bouteflika qui avait opté pour un changement aussi bien idéologique (avec l'arrivée de Belkhadem) qu'économique, en s'écartant des options de prudence préconisée par Ouyahia.
Inoxydable Ahmed Ouyahia, comme titrait Jeune Afrique qui s'était alors replié sur son parti, le RND, tenant d'exister sur le terrain politique face à un FLN qui ne lui pardonnera jamais de critiquer ouvertement, mais élégamment, les errements du gouvernement Belkhadem. Ouyahia, trop respectueux des conventions, expédiait des piques légitimes (il a été deux fois titulaire du poste 1995/1998 et 2003/2006) à la gestion Belkhadem et aux options économiques prises par des ministres de plus en plus embourbés dans une gestion chaotique. Sa dernière pique est intervenue, ce jeudi, en indiquant que “la plus nécessaire des réformes pour l'Algérie, c'est d'abord la réforme de la mentalité de tous les Algériens (…) celle des responsables et du peuple au même titre”.
Réformes en berne, a ainsi répondu Bouteflika en renommant Ouyahia à la tête d'un gouvernement légèrement remanié. Quand ça va mal, c'est la tête qui est sacrifiée, et Belkhadem fait les frais d'une inaction patente aussi bien face au pouvoir d'achat en régression, aux émeutes, et à d'autres considérations beaucoup plus subtiles.
Car le retour d'Ouyahia va indéniablement signer la fin de cette lune de miel tacite avec les courants salafistes et islamo-conservateurs qui sont apparus dans les méandres d'un Etat en perdition. “La réconciliation nationale” est revendiquée aussi par Ouyahia mais dans les limites du “préambule de la Charte” qui était censé barrer la route à toute islamisation étapiste de la société, encore moins du système. Ouyahia pourrait être rafraîchissant à l'idée que le compromis est terminé et que le nouveau locataire du Palais du gouvernement, qui assume dignement son étiquette “d'éradicateur” va mettre fin à ce glissement idéologique. Laissant la société être happée par une réislamisation rampante et l'Etat, inopérant, face à la relance économique.
D'autres s'empresseront, certainement, d'expliquer le choix de Bouteflika, surtout après le fracassant divorce de mai 2006, comme un adoubement au futur “héritier” du fauteuil d'El-Mouradia. Ce serait réducteur, aussi bien pour Bouteflika qu'Ouyahia, que d'estimer que l'un prépare sa succession au lieu de son troisième mandat et que l'autre, lorgne sur la vice-présidence, ou vers… 2014. L'ambition n'est pas condamnable dans ce cas, mais ce serait faire injure aux deux hommes que de considérer ce changement dans le futur et non dans l'immédiateté. Car si quelque chose réunit les deux hommes, c'est certainement cette sensation pesante que les affaires de l'Etat vont mal. Que les réformes ne doivent pas être seulement un leitmotiv mais un état d'esprit et que “la bonne gouvernance” qu'Ouyahia prêche dans les capitales africaines à la demande de Bouteflika, doit d'abord s'appliquer au cas algérien.
Certains sentaient venir ce retour mais pas au point de prédire cette volte-face de Bouteflika qui, apparemment, sait mettre les mauvais conseillers sur la touche pour n'écouter que la froide raison. “Ouyahia, qui d'autre ?” L'histoire semblait écrite depuis ce trajet sinueux d'Ouyahia avec cette lettre de démission ce 24 mai 2006, une journée caniculaire comme ce 23 juin 2008. Une “disgrâce” de deux années où Ouyahia s'est occupé des affaires du RND sans aucune fausse note à l'égard de Bouteflika. Le Président le remettant dans la lumière, trois mois auparavant, à travers des missions qui ont conduit le nouveau Chef du gouvernement en Corée du Sud et au Japon, comme représentant personnel du président. Apparemment, il n'a pas fait que manger des sushis.
Mounir B.


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