Robert Mugabe a maintenu le second tour du scrutin présidentiel qui devrait avoir lieu demain, ignorant l'appel de l'Onu à annuler l'élection, tandis que le chef de l'opposition a demandé l'envoi d'une force militaire avec un rôle de maintien de la paix. Alors que Morgan Tsvangirai a abandonné la course en se réfugiant dans l'ambassade des Pays-Bas à Harare, le journal d'Etat The Herald, porte-voix du régime en place depuis 1980, date de l'indépendance du Zimbabwe, écrit que le rival de Mugabe est prêt à des négociations après le second tour de l'élection ! La supercherie, qui complète la stratégie d'isolement, voire de contentement et d'exclusion de l'opposition, est destinée à encourager les électeurs, tétanisés, à se rendre aux urnes. Du reste, le retrait de Tsvangirai arrange les affaires de Mugabe qui était sorti second au premier tour derrière son rival de l'opposition. L'élection aura lieu vendredi “en accord avec nos lois et notre Constitution”, n'a cesse d'affirmer le ministre de la Justice de Mugabe qui invoque la loi électorale stipulant que tout retrait de candidature est nul et non avenu dès lors que celle du candidat du MDC aurait dû intervenir au moins 21 jours avant le premier tour, le 29 mars. Le chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) avait renoncé en début de semaine à participer au scrutin face à l'octogénaire Mugabe au pouvoir depuis l'indépendance, face à une “orgie de violences” orchestrées par le régime. Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné lundi à l'unanimité la campagne de violence contre l'opposition et le comportement du gouvernement qui a dénié à ses opposants politiques le droit de faire librement campagne. Le leader de l'opposition, réfugié depuis la nuit de dimanche à lundi à l'ambassade européenne, a annoncé qu'il quittera son refuge dès qu'il sera sûr que sa sécurité sera assurée, exigeant l'envoi d'une force militaire. Tsvangirai, qui avertit sur l'éclatement d'un conflit armé, exhorte la communauté internationale à marquer concrètement l'indignation exprimée par les leaders mondiaux. Une telle force, a-t-il développé dans le quotidien britannique The Gardian, aurait pour rôle le maintien de la paix, pas celui Mugabe, le “fauteur de troubles”. Celui-ci, qui craint de perdre tout semblant de légitimité si l'élection est annulée, reste sourd aux pressions internationales. “La Grande-Bretagne et ses alliés racontent une série de mensonges à propos du Zimbabwe parce qu'ils veulent créer une situation pour justifier leur intervention au Zimbabwe”, a encore dit Mugabe. Le plus vieux chef d'Etat d'Afrique accuse l'Occident, qui a adopté des sanctions contre le cercle au pouvoir après sa réélection contestée en 2002, de ruiner son pays, plongé dans un marasme économique sans précédent. La manœuvre de l'opposition le place toutefois en porte-à-faux vis-à-vis de ses habituels alliés en Afrique australe. Le président Thabo Mbeki, médiateur de l'Afrique australe pris sous le feu des critiques pour avoir nié l'existence d'une crise au Zimbabwe, incarne désormais le seul espoir de la communauté internationale pour une solution négociée. Et la SACD tient sa réunion sur la crise Zimbabwe ouverte. Tsvangirai joue également sur la corde raide. Et si son sens tactique a été parfois mis en doute, nul ne peut lui nier son courage et ses propos fracassants. D. Bouatta