Le président zimbabwéen s'est investi pour un sixième mandat à la tête du pays, à l'issue d'une prétendue élection présidentielle qualifiée de farce un peu partout dans le monde, y compris en Afrique où l'Union parlementaire continentale ne s'est pas empêchée de dire tout haut le bien qu'elle pense de ce passage en force. L'honneur du Parlement panafricain (PAP) est sauf. Sa mission a dénoncé un scrutin “ni libre ni équitable”, estimant “difficile de nier les allégations de violences orchestrées par l'Etat”. Le plus vieux chef d'Etat en Afrique, âgé de 84 ans dont 28 passés au pouvoir, en a profité pour réitérer sa proposition de négociation avec l'opposition, qui a boycotté le second tour, arguant de l'ampleur de la répression sanglante du régime au pouvoir. “J'ai l'espoir que, bientôt, nous mènerons des consultations entre partis politiques de différentes opinions afin d'instaurer un dialogue sérieux qui débouche sur une ère d'unité et de coopération”, a-t-il dit lors de la cérémonie d'investiture qui s'est déroulée en grande pompe dans la capitale Harare, durant laquelle il a juré, la Bible à la main, de faire respecter les lois du pays, “avec l'aide de Dieu”. La commission électorale le crédite de 85% des voix au second tour organisé vendredi, avec une participation évaluée à 42% des quelque 5,6 millions d'inscrits. Mais si Robert Mugabe recueille plus de deux millions de suffrages, Morgan Tsvangirai, chef du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), arrivé en tête du premier tour, en réunit 233 000 sur son nom, il s'était pourtant retiré de la course une semaine auparavant dans l'espoir que cesse ainsi la répression de l'opposition, qui a fait plus de 80 morts et 200 000 réfugiés, selon des organisations de défense des droits de l'homme. Dès l'annonce officielle du maintien au pouvoir de Mugabe, le MDC de M. Tsvangirai a rejeté les résultats du scrutin, évoquant “une farce complète et un acte de désespoir”. Sans exclure totalement des discussions, le porte-parole du parti, Nelson Chamisa, a estimé “très difficile de faire confiance” au Président. Morgan Tsvangirai avait appelé vendredi la communauté internationale à déclarer illégitime l'issue du scrutin. Le G8 a annoncé qu'il le ferait, mais le Conseil de sécurité de l'ONU a échoué à s'entendre sur ce point, tandis que l'Afrique ne s'est pas prononcée. Anticipant une absence de réaction du continent, qu'il a plusieurs fois imploré d'agir, M. Tsvangirai a mis l'accent sur des négociations qu'il souhaite mener pour une période de transition. “Il n'est pas inconcevable qu'un arrangement puisse voir le jour”, a-t-il dit. Selon lui, le dialogue est la seule issue possible à la crise. “Si Mugabe ne négocie pas avec le MDC, c'est l'impasse”, a-t-il pronostiqué. Le chef des observateurs de la Communauté de développement d'Afrique australe, Marcos Barrica, a également adressé des messages à MM. Mugabe et Tsvangirai, où il aurait salué “les signes d'ouverture” finalement donnés par le président Mugabe et appelé le leader du MDC à prendre en considération “toutes les possibilités de résoudre les problèmes du Zimbabwe”. Reste à savoir si Robert Mugabe veut réellement ouvrir le dialogue, et sur quelles bases. L'Afrique du Sud, principal soutien de Mugabe, travaille également dans cette direction, bien que dans la région plusieurs capitales aient dénoncé le coup de force de Mugabe. L'Union africaine (UA) est restée très prudente, son sommet de Charm El-Cheikh, en Egypte, s'est ouvert en présence de Mugabe. Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA, chargé de la prévention des conflits, aurait discuté de l'attitude à adopter vis-à-vis de l'ancien héros de la lutte contre la suprématie blanche. Il s'est toutefois abstenu de toute déclaration sur cette situation, qui plonge l'organisation dans l'embarras. D. Bouatta