La question mérite un débat élargi à un plus grand nombre de financiers et d'économistes. L'opportunité ou non de la création d'un fonds souverain en Algérie continue à alimenter l'actualité nationale dans les milieux économiques et financiers. Cette question a été au centre du débat organisé hier par le Centre de presse du quotidien El Moudjahid, animé notamment par le directeur général de la Bourse, M. Mustapha Ferfera et M. Djerad Djamel, expert-comptable et commissaire aux comptes. La décision n'est pas encore prise, mais l'idée de créer un fonds souverain en Algérie commence à faire son chemin. Des voix en Algérie, comme l'ancien ministre des Finances Abdelatif Benachenhou, militent pour la création d'un fonds souverain qui optimiserait le placement des réserves du pays tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le ministre de l'Energie et des Mines avait affirmé, le 26 juin dernier, qu'il est fort possible que dans quatre, cinq ans, l'Algérie aura peut-être des possibilités de création de fonds souverains pour des activités à l'extérieur de l'Algérie. M. Chakib Khelil, qualifiant la démarche “d'option valable”, précise tout de même que “l'Algérie n'est pas comme les pays du Golfe car elle va avoir besoin de toutes ses ressources pour les investir à l'intérieur du pays”. M. Khelil a considéré que la création de cette catégorie de fonds de placement exigeait un profond examen. La même prudence est observée chez le ministre des Finances. “La création d'un fonds souverain est une décision économique avant tout”, avait souligné l'argentier du pays, expliquant que le fonds souverain, qui est un fonds d'Etat, est alimenté par un actif financier à risque. D'où le souci, d'observer le maximum de prudence. “Il y a aujourd'hui un problème de visibilité en matière de transparence sur un certain nombre d'opérations sur les marchés internationaux. Toute opération économique nécessite une bonne évaluation”, a-t-il argué. Cette prudence a été saluée par les intervenants au forum d'El Moudjahid. “Il ne faut pas parier avec l'argent du peuple” a lancé M. Djerad, expert-comptable et commissaire aux comptes, qualifiant la décision du ministre des finances de ne pas créer de fonds souverains “de sage”. “Ce n'est pas encore le moment”, a- t-il soutenu, en s'interrogeant sur la capacité des Algériens de gérer ce type de fonds et de décider où et comment investir. M. Djerad a relevé qu'un certain nombre de fonds souverains “ont laissé des plumes”, en évoquant la crise des “subprimes”. Certaines entreprises, cotées, dans lesquelles les fonds souverains ont investi ont perdu de leur valeur. Le directeur général de la Bourse explique qu'en dehors de la Chine et du Singapour, les fonds souverains se retrouvent dans les principaux pays exportateurs du pétrole. Les fonds souverains détiennent aujourd'hui la même capacité d'influer et de façonner le marché au cours des prochaines années que l'avait fait les fonds alternatifs spéculatifs (hedge funds). Mustapha Ferfera estime que les fonds souverains gèrent déjà quelque 3 000 milliards de dollars d'actifs à travers le monde et auront environ 12 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion en 2012. Les fonds souverains deviennent d'année en année les nouveaux monstres de la finance mondiale. Tant que ces fonds souverains investissaient dans les bons de Trésor américain cela ne dérangeait personne, mais depuis qu'ils se sont mis à prendre des participations dans les grandes entreprises et banques des pays développés, adeptes pourtant du libéralisme, des voix de plus en plus hostiles commencent à s'élever. Elles s'inquiètent à l'idée de voir les fleurons de leurs économies passer sous le contrôle de pays étrangers. L'OCDE a indiqué récemment que ces fonds, “s'ils étaient motivés par des considérations politiques plutôt que par des objectifs commerciaux, les investissements des fonds souverains pourraient être source de préoccupation et susciter des inquiétudes légitimes liées à la sécurité nationale”. Du coup, les ministres de l'OCDE soulignent que “les pays d'origine des fonds souverains et ces fonds eux-mêmes peuvent renforcer la confiance en prenant des mesures de nature à améliorer la transparence et la gouvernance de ces fonds”. Le FMI prépare actuellement ce qu'il appelle le code de bonne conduite afin qu'il soit plus transparent. Meziane Rabhi