Soupçonnant l'existence d'une manœuvre financière illicite, qui consisterait à utiliser les avoirs de sa banque pour conforter les comptes d'autres banques concurrentes, le président de la CA Bank, établissement privé, déclare la guerre à la Banque d'Algérie et se dit déterminé à ester cette dernière en justice. Il reproche à la Banque d'Algérie, nous signale-t-il, des faits graves qui se sont “déclarés au cours de la séance de compensation de jeudi dernier”, où l'échange interbancaire de chèques a été entaché de plusieurs irrégularités avec, au bout du compte, “un préjudice de cent quatorze millions de dinars”, supporté par la CA Bank, signale son président, M. Omar Dechemi qui se dit victime “d'une machination de la part du président de la Chambre de la compensation et de certains responsables de la Banque d'Algérie”. Il nous fait savoir qu'au cours de ladite séance, qui, faut-il le préciser, se tient sous l'arbitrage de la Banque d'Algérie pour l'échange de valeurs, la CA Bank a réceptionné un chèque par la compensation de 114 millions de dinars émis par un de ses clients en faveur d'un client d'une autre banque de la place. Alors que réglementairement, les banques disposent d'un délai de 24 à 48 heures pour rejeter éventuellement les chèques qui leur sont présentés. Dans ce cas précis, le représentant de la CA Bank a immédiatement signifié sa réserve, voire même son opposition sur la valeur dudit chèque sans attendre le délai imparti. En effet, ce dernier a remarqué que le fameux chèque était nul au motif qu'il ne comportait pas de date et qu' à ce titre, comme le stipule le code de commerce, “l'élément date est une des mentions obligatoires qui doivent apparaître sur un chèque, sinon celui-ci est censé être sans valeur juridique”, explique M. Dechemi, en exhibant les articles 274 et 275 du code cité. Sauf que selon lui, le représentant de la Banque d'Algérie n'acceptera pas ce rejet ni l'argument réglementaire mettant ainsi la CA Bank devant le fait accompli qui se traduit par un débit de son compte de la somme portée sur le chèque. Pis, l'émetteur, un client “occasionnel, spécialisé dans la pièce détachée, présentant un compte de seulement 7 000 DA, s'est permis de signer un chèque de 114 millions de dinars”. En plus clair, la CA Bank est automatiquement débitée sans recours malgré le vice de forme mis en avant. Cet argent ira soulager et créditer le compte de la banque du bénéficiaire porté sur le chèque. “Avec la bénédiction de la Banque d'Algérie, la banque concurrente profite de notre argent et gagne du temps alors que nous subissons un préjudice important, dénonce M. Omar Dechemi”. Ce dernier se dit étonné de la réponse des responsables de la Banque d'Algérie, notamment la directrice générale du réseau qui “m'a déclaré que les règlements de la Banque d'Algérie ont une valeur juridique plus importante que les dispositions du code du commerce”. Manière de dire que même non daté, le chèque en question était recevable et que la CA Bank ne pouvait qu'être débitée au profit d'une autre banque. L'histoire ne s'arrête pas là, poursuit le responsable de la CA Bank, en ce sens où le dimanche suivant, après vérification de la situation du compte de leur client émetteur du chèque ressorti en solde insuffisant (7 000 DA), “on s'est empressé de réintroduire le rejet, mais la banque concurrente était absente de la séance donc notre compte n'a toujours pas été régularisé malgré la preuve apportée”. Il en sera de même le lundi, cette banque ne pouvant retrouver son dû toujours au motif que l'autre banque où est domicilié le bénéficiaire du chèque était toujours absente de la séance. Dans l'affaire, “nous perdons du temps, et sur le compte de la Banque d'Algérie, nous perdons de l'argent. Cette technique, qui ne dit pas son nom, n'est-elle pas orientée pour aider à nos dépens d'autres banques avec la bénédiction de la Banque d'Algérie”, s'interroge M. Dechemi motivant ainsi sa détermination à ester la première banque du pays en justice? Il dénonce aussi le peu de considération affiché par les fonctionnaires et responsables de la Banque d'Algérie à “notre égard. Personne n'a voulu nous répondre ni nous recevoir. C'est le mépris total”. Pour notre part, et sans surprise, nous avons tenté l'impossible en formant les divers numéros de la Banque d'Algérie — subitement occupés —, et lorsque par miracle une secrétaire nous répond, elle nous fera savoir qu'elle n'est que la secrétaire d'une autre … secrétaire. Pour la presse, la Banque d'Algérie reste encore un coffre-fort solidement muet. A. W.