Il faut dire que la chancelière allemande a de la suite dans les idées, comme l'indique ce séjour algérien au surlendemain du sommet du lancement de l'Union pour la Méditerranée, pour assurer à Berlin une présence effective en Algérie, où il sera question d'arracher le maximum de marchés et de se mettre à l'abri du besoin en diversifiant ses ressources en matière d'hydrocarbures, notamment en gaz. L'Algérie est devenue un pays important dans la politique extérieure de l'Allemagne, qui ne veut plus laisser le champ libre aux Français en profitant au maximum des opportunités qu'elle offre, notamment en matière énergétique en raison de ses soucis gaziers, et arracher une part du marché algérien pour ses entreprises dans de nombreux domaines, d'autant plus qu'elles ont les moyens de rivaliser avec les autres concurrents occidentaux et asiatiques. Cette visite de deux jours, à partir de demain, d'Angela Merkel scellera, sans nul doute, une nouvelle ère dans les relations entre les deux pays, particulièrement sur le plan économique, car le marché algérien est de plus en plus attirant pour l'Allemagne. Outre les entretiens politiques avec le président Abdelaziz Bouteflika sur la situation internationale et particulièrement au Proche-Orient, la chancelière allemande parlera surtout affaires. Désireuse d'obtenir une part conséquente du marché algérien d'une manière générale, comme l'indique l'arrivée dans notre pays des deux cabinets allemands, les architectes KSP-Engel und Zimmermann et les ingénieurs Krebs und Kiefer, qui ont remporté la compétition pour construire la future grande mosquée d'Alger, Berlin accordera la part belle aux hydrocarbures, surtout le gaz. En effet, sur ce plan, l'Algérie qui pointe au “troisième rang des fournisseurs de gaz d'Europe”, comme le souligne Berhooz Abdolvand, chercheur en relations internationales à l'Université libre de Berlin, constitue une bouée de sauvetage pour les Allemands, dont la dépendance est très lourde en matière de gaz. Achetant quelque 40% de son gaz à la Russie et son géant Gazprom, et une partie non négligeable auprès de la Norvège, l'Allemagne, qui souffre d'une flambée des prix, veut coûte que coûte diversifier ses ressources en la matière, surtout que la demande est à la hausse. Dans ce cadre, Wulf Bernotat, le patron du numéro un allemand de l'énergie, Eon, avait confirmé cette tendance en déclarant : “Nous voulons diversifier nos ressources de gaz ; s'il était possible que nos projets soient un peu soutenus par Mme Merkel, nous serions ravis.” Et d'ajouter : “L'Algérie serait un marché intéressant, d'autant plus que nous venons de nous implanter dans des pays proches : l'Italie et l'Espagne.” Pour rappel, Eon Ruhrgaz, filiale gazière du numéro un allemand, a ouvert le 3 juin un bureau en Algérie, et son représentant fait partie de la délégation de Mme Angela Merkel en Algérie. Ainsi, le gaz naturel liquéfié (GNL), dont l'Algérie est un spécialiste, sera l'un des principaux objectifs à réaliser. Moins volatile et moins volumineux qu'à l'état gazeux, le GNL peut être transporté en bateau et sur de longues distances, sans dépendre de gazoducs, limités et coûteux, quand leur construction ne se heurte pas à des enjeux géopolitiques ; il intéresse énormément les Allemands. Selon Eon, en “2020, la part du GNL dans la consommation européenne passerait à 18% contre 10% aujourd'hui”. Bien qu'ils aient été devancés par Gaz de France qui a signé en décembre dernier un accord avec la compagnie publique Sonatrach assurant son approvisionnement en GNL jusqu'en 2019. Les groupes allemands comptent bien rattraper le terrain perdu, même si la concurrence sera rude. En effet, l'Italie a conclu avec l'Algérie un accord pour la construction d'un gazoduc, alors que Gazprom est en embuscade, comme l'indique l'ouverture le 16 juin d'un bureau de représentation en Algérie. Angela Merkel devrait confirmer l'intérêt de son pays pour faire des affaires en Algérie devant la Chambre de commerce et d'industrie germano-algérienne, où elle est appelée à intervenir demain. La première banque allemande, Deutsche Bank, a donné le ton en juin en s'implantant sur le marché algérien, sans oublier que “plus de 140 entreprises allemandes sont déjà représentées en Algérie”, comme le signale le ministère allemand des Affaires étrangères. Les secteurs du transport, du tourisme et du bâtiment, qui bénéficient d'importants programmes de subventions, sont plus particulièrement visés par les firmes allemandes, selon Marion Mühlberger, économiste de la Deutsche Bank. Il va sans dire que Berlin ne veut plus laisser Paris et d'autres capitales européennes profiter à elles seules du marché algérien, désormais très attrayant, surtout que les réserves de change de l'Algérie ont atteint désormais 126 milliards de dollars US. K. ABDELKAMEL