Face aux menaces de Benbouzid, les enseignants grévistes opposent leur détermination à aller jusqu'au bout de leur mouvement. “Benbouzid, tu ne feras rien” (Benbouzid ma dir walou). C'est l'un des slogans criés par les enseignants grévistes qui se sont rassemblés, hier, devant le lycée Bouamama (ex-Descartes), en réponse à la menace de radiation brandie la veille par le ministre de l'éducation nationale. Ils opposent leur détermination à aller jusqu'au bout de leur mouvement de protestation. Jusqu'à l'ouverture d'un dialogue du moins. “Nous préférons être licenciés plutôt que méprisés”, nous ont déclaré des enseignants. Le mouvement durcit et le bras de fer continue face au “mépris à la corporation”, d'autant plus que “la tutelle a convié au dialogue des partenaires sociaux qu'elle a choisis, non ceux qui ont provoqué l'arrêt des lycées par un mouvement largement suivi”, nous a-t-on déclaré. Pour les grévistes, le ministre fait exprès d'entretenir la confusion en recevant des syndicats qui ne sont pas sur le terrain. Ils feront remarquer, d'ailleurs, qu'au moment où un rassemblement était organisé sous les balcons de l'édifice, le premier responsable du secteur était en conclave avec l'Union nationale du personnel de l'éducation et de la formation (Unpef). Ce qui a attisé la colère des grévistes dont beaucoup avaient rejoint le lieu de ralliement avant l'heure prévue. “Il jette de l'huile sur le feu alors que c'est à lui qu'il appartient d'apaiser la situation, en tant que responsable”, a lancé une enseignante qui a souligné que le ministre aurait pu montrer un signe de bonne volonté en recevant les protestataires. “Je suis une employée et il est mon employeur. N'ai-je pas le droit d'être reçue par mon employeur ?”, s'est-elle interrogée avant de rejeter, à l'instar de ses collègues présents au rassemblement, la représentativité de la FNTE. Pour eux, ce syndicat est inféodé et ne peut, de ce fait, s'opposer à la tutelle. Ils accusent son secrétaire général de “rouler” pour le pouvoir “alors que ses enfants étudient à l'étranger”. “Depuis 1991, la fédération intervenait à chaque fois que nous organisions un débrayage pour geler notre mouvement, en prétendant qu'un accord a été trouvé, alors qu'il n'en était rien”, ont-ils indiqué. Réagissant à la déclaration de M. Benbouzid qualifiant d'illégale la Coordination des lycées d'Alger, les protestataires s'appuient sur des articles de loi pour dire qu'ils ont le droit de s'organiser en collectif et de désigner leurs délégués. “C'est lui qui est illégal, rétorquent certains, puisqu'il n'a pas encore présenté son programme au gouvernement. Il n'est pas notre ministre”. D'ailleurs, le rassemblement aux abords du ministère de l'éducation n'est qu'une escale dans l'itinéraire vers le Palais du gouvernement dont la date n'a pas encore été décidée, nous a-t-on dit. Mais, en dépit de ce qu'ils encouraient encore, hier, les enseignants jugent leur mouvement positif. Pas question de reculer, ont-ils assuré. “Nous sommes pratiquement en fin de carrière, nous avons entre 20 et 30 ans d'ancienneté et nous avons un salaire de 17 000 DA. Sachez que notre retraite représentera 80% du salaire de base qui est de 8 420 DA”, ont fait remarquer certains. Tous ont qualifié de mensonges les déclarations du ministre quant à la reprise des cours dans certains lycées, dont l'Emir-Abdelkader. “C'est faux, nous y venons et nos collègues vont arriver d'un moment à l'autre”, a lancé une enseignante qui a justifié son retard et celui de ses pairs par le fait qu'ils soient restés pour empêcher la tenue des examens blancs du baccalauréat. Les retardataires sont fortement acclamés à leur arrivée par une foule soulagée de savoir que le mouvement est encore soudé, alors que le secrétaire général de la Coordination des lycées d'Alger (CLA), M. Redouane Osmane, a été accueilli presque en héros. “On ne répond pas aux revendications des enseignants par une menace”, nous a-t-il répondu lorsque nous l'avons interrogé sur la réaction de la CLA à l'ultimatum donné par M. Benbouzid. “C'est une insulte et une hostilité affichée à tous les enseignants du pays, pas seulement à ceux qui sont en grève. Ce que nous avons relevé, c'est que le ministre a refusé le dialogue sur le terrain”, a-t-il ajouté en dénonçant au passage le “simulacre de dialogue” organisé par la tutelle avec des partenaires “qui n'animent pas la grève”. Revenant sur la question de la légalité, le SG de la CLA estime que “même s'il (le ministre ndlr) considère notre coordination illégale, il reste que la légitimité des revendications est importante”. Il a rappelé que ce qui est revendiqué, ce sont l'augmentation des salaires à 100% et un glissement de carrière et non le relèvement des indemnités de correction des copies du baccalauréat et du BEF. Des revendications visiblement soutenues par des élèves qui sont sortis du lycée Bouamama après avoir composé pour le bac blanc. “Certains d'entre nous ont rendu leurs feuilles blanches en solidarité avec les professeurs et en réaction au mépris qu'on affiche à notre encontre, puisque nous n'avons été informés qu'hier de l'examen blanc”, nous ont dit certains élèves tandis que d'autres ont clairement fait savoir qu'ils soutiennent les enseignants en grève parce que “leurs revendications sont légitimes”. “Que représente une petite augmentation par rapport au salaire d'un ministre ?” a lâché un élève. R. M.