La Cour constitutionnelle turque a rejeté la demande d'interdiction du parti islamiste au pouvoir, l'AKP. La décision a été prise de justesse : six juges sur onze ont approuvé la demande alors que sept voix suffisaient pour prononcer l'interdiction. La moitié de l'aide du Trésor public accordé au Parti à tendance islamique du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, lui a toutefois été retirée. Celui-ci est averti, la laïcité est interchangeable en Turquie. L'institution militaire, renfrognée et puissante, considérée comme la force motrice derrière la tentative d'éviction de l'AKP du pouvoir, est restée étrangement silencieuse, mais Erdogan et le président Gùl sont avertis. Ils devront se dispenser d'essayer de renforcer la religion. Le Premier ministre et le président le savent : ils ne peuvent pas passer tout simplement au chapitre suivant. En tout cas, ils ne peuvent pas revenir à leur agenda sociétal culturel et religieux auquel ils se consacraient au cours de l'année dernière, avec l'histoire du voile à l'université. Les milieux proches des militaires expliquent que la décision du Conseil constitutionnel a été motivée par le souci d'apaiser une atmosphère politique fiévreuse, de rassurer les investisseurs étrangers et de renforcer le principe démocratique en Turquie. C'est un message d'une importance cruciale et bénéfique pour le monde musulman. Erdogan a fait son mea culpa reconnaissant que la Turquie a perdu un temps précieux, surtout en ce qui concerne son intention affichée depuis 2005 d'adhérer à l'UE. La réaction des responsables à Bruxelles à la décision de la plus haute juridiction turque est positive : aux yeux des Européens, le verdict permet à Ankara de poursuivre sur la voie engagée. Huit des 35 chapitres nécessaires à une adhésion à l'UE sont déjà sur la table des négociations et la présidence française souhaite en ouvrir deux autres avant la fin de son mandat. La Turquie retient son souffle. D. B.