Les soirées de chants et de danses organisées dans tous les villages de la daïra de Bouzeguène basculent quotidiennement dans la violence et inquiètent sérieusement les villageois qui ne savent plus quoi faire pour prévenir les dérapages qui caractérisent les veillées de réjouissances. Ces dernières attirent de plus en plus de monde dans les grandes places des villages où les organisateurs éprouvent énormément de problèmes pour contrôler toute l'assistance infiltrée par de nombreux étrangers (venus des autres villages) considérés à juste titre comme des intrus qu'il faudra inviter gentiment à partir avant d'utiliser la manière forte s'ils manifestent une résistance. C'est à partir de là que commencent les ennuis des villageois. Les jeunes auxquels est confiée la vigilance rencontrent parmi les intrus des irréductibles qui n'approuvent pas leur exclusion de la fête en dépit du fait qu'ils ne sont pas invités. Des batailles rangées sont ensuite enclenchées entre les bandes rivales. Depuis le début des fêtes, il y a environ trois semaines, de nombreuses bagarres sont enregistrées dans des villages et où des armes blanches ont été utilisées provoquant même des blessés de part et d'autre. Il y a deux ans, des jeunes chassés d'une fête se sont vengés aussitôt en mettant le feu aux broussailles situées en bas du village. Il a fallu faire appel aux pompiers pour circonscrire le sinistre. Chaque été, c'est le même climat d'insécurité qui s'instaure dans toutes les cités bouzeguénoises. De nombreux observateurs appellent à l'interdiction des soirées musicales qui, faut-il le rappeler, ont déjà fait l'objet d'interdiction lors de l'événement du Printemps noir pour marquer le deuil et même avant par certains comités de villages qui ont évalué le degré de nuisance des décibels en folie qui se prolongent jusqu'à 4h du matin. Si bon nombre de villageois appellent à mettre un terme à cette anarchie, il n'en demeure pas moins que les jeunes s'opposent à cette interdiction considérant qu'un nouveau marié vit une seule fois cet événement dans sa vie et qu'en aucune manière il ne voudrait le vivre dans le deuil. Or, la responsabilité des nouveaux mariés est engagée dans l'organisation de ces soirées musicales qui sont aujourd'hui difficiles à circonscrire surtout que de nombreux jeunes investissent les fêtes sérieusement éméchés. Par ailleurs, la frénésie pour l'utilisation des armes à feu dans les fêtes s'est réinstallée après une longue disparition due essentiellement au terrorisme. Déjà deux villages ont vécu l'irréparable avec un décès et plusieurs blessés dont l'un risque l'amputation de sa jambe. Dans le passé, le baroud était utilisé dans les fêtes mais sans danger puisque les cartouches étaient remplies de poudre et de papier journal. Aujourd'hui ce sont des chevrotines et des balles à tuer un buffle qui sont utilisées. Du point de vue loi, les armes sont interdites dans les fêtes mais sur le terrain qui pourrait faire respecter la loi ? ? Bouzeguène, on fait impasse à toute retenue et au respect d'autrui. Dans un village, c'est le deuil avec une troupe de marabouts qui débite des versets coraniques pour la veillée du mort et, à quelques pas de là, dans un village mitoyen, a moins de 100 mètres, c'est un disc-jockey de 2500 watts qui bat son plein. Les visiteurs du mort ne comprennent rien du comportement grossier de l'organisateur de la fête. Aujourd'hui, les adultes n'ont pas leur mot ; ce sont les jeunes qui décident considérant que chaque village vit indépendamment de l'autre, piétinant les mœurs, heurtant la sensibilité de l'autre sans aucun état d'âme. Pour l'heure, rien n'est encore décidé, mais les comités de villages sont en alerte et semblent décidés à mettre un terme, dès l'été prochain, à cette anarchie en instaurant un règlement strict pour l'organisation des fêtes de mariage dans les villages. C. N ATH OUKACI