Les attaques ont ciblé le siège du secteur militaire et l'hôtel Sofy où sont hébergés les travailleurs de la SNC Lavalin. Un double attentat a secoué hier la ville de Bouira située à 120 km au sud-est de la capitale. C'est à 6h du matin que le premier attentat, visant les travailleurs de la SNC Lavalin, a été perpétré. Selon nos sources, un véhicule léger de marque Clio aurait percuté le bus qui transportait ces ouvriers. En moins de 3 minutes, un autre kamikaze a foncé droit sur le siège du secteur militaire. La détonation a été entendue sur un rayon de plus de 30 km. Selon le bilan donné par l'hôpital Mohamed-Boudiaf, il est fait état de 12 morts dont 11 sont identifiés et 44 blessés dont 7 militaires et un policier. Le nombre de morts risque de s'alourdir au vu du nombre de blessés graves évacués vers d'autres hôpitaux. Les 7 militaires blessés ont tous été transférés vers l'hôpital Aïn Naâdja, alors que les trois civils dont un enfant l'ont été vers l'hôpital de Tizi Ouzou (2 vers le service neurochirurgie) et l'hôpital de Douéra (un atteint de brûlure). Parmi les blessés, des femmes et des enfants qui dormaient paisiblement chez eux avant d'être réveillés par l'explosion de la bombe. Selon les informations recueillies sur place, c'est à 6h du matin, alors que le bus de marque Toyota venait de marquer un arrêt pour prendre les travailleurs de la société canadienne chargée de la réalisation d'une station de pompage d'eau à Djebahia, qu'un kamikaze s'est fait exploser contre le bus. À plusieurs mètres du lieu du drame, les débris du bus étaient éparpillés à plusieurs mètres du lieu du drame alors que le reste du moteur du véhicule du kamikaze y a été projeté à plus de 500 m. Preuve que la charge de la bombe était importante. La façade de l'hôtel Sofy a été soufflée par la bombe. Pour les observateurs, cet attentat vise un double objectif : l'hôtel Sofy qui abrite les rencontres officielles et séminaires d'un côté, et les travailleurs de l'entreprise canadienne SNC Lavalin. Approché, le propriétaire de l'hôtel a soutenu que plusieurs demandes ont été formulées pour avoir une autorisation de construction d'une clôture de sécurité, en vain. Les victimes les plus atteintes étaient à l'intérieur du bus. Ce sont pour la plupart des techniciens et des topographes. Ils avaient pris le transport à partir du point de départ au centre-ville. Rencontré à l'hôpital, un rescapé témoigne : “Moi, je me trouvais à l'arrêt du bus devant l'hôtel Sofy. Avant de monter dans le bus qui venait de s'arrêter, j'ai entendu une grande détonation sans en connaître l'origine. Je suis sous le choc, je n'arrive pas à réaliser ce qui s'est passé.” Brûlé au deuxième degré au visage, le chauffeur du bus, quant à lui, a soutenu : “Je n'avais rien vu. Je regardais les travailleurs monter à bord du bus quand j'ai entendu une explosion.” La seconde bombe, qui a visé le secteur militaire, a fait des dégâts plus importants. La façade de la bâtisse a été toute soufflée et la clôture détruite. L'importante charge de TNT utilisée par le terroriste a fait un gros cratère. À bord d'un véhicule léger de marque Kangoo, le kamikaze venait du côté de la mosquée qui se trouve non loin du secteur. Pour ne pas attirer les soupçons, il a emprunté le sens autorisé à la circulation. Arrivé à hauteur de la garde, il a actionné la bombe. Se trouvant juste en face du lieu de l'attentat, une villa d'un citoyen a été sérieusement endommagée. L'effondrement d'un mur a blessé quatre membres de la famille qui l'habite. Les sièges de la Chambre d'agriculture, de la Direction des services agricoles et de la polyclinique ont été touchés. Les murs de la cité militaire, située en face du secteur, ont été eux aussi sérieusement endommagés. Beaucoup de véhicules ont été abîmés. Après l'explosion, nombre de citoyens ont accouru sur les lieux pour s'enquérir de leurs proches. À l'hôpital Mohamed-Boudiaf, les personnels médical et paramédical se sont mobilisés pour prendre en charge les blessés. Doté de matériel adéquat, le service de la pédiatrie a été transformé pour la circonstance en service des urgences où sont traités les blessés. À l'intérieur, des scènes horribles : des enfants accrochés à leur maman crient de douleurs, des blessés défigurés par les éclats d'explosions... Un formidable élan de solidarité s'est déclenché spontanément pour secourir les victimes de la tragédie. Le ministre des Moudjahidine Mohamed-Chérif Abbas et le wali de Bouira, Ali Bouguerra, se sont rendus au chevet des blessés au niveau de l'hôpital Mohamed-Boudiaf. Le ministre a condamné l'attentat. Saïd Barkat, ministre de la Santé et de la Population, s'est rendu, lui aussi, à l'hôpital pour s'enquérir des conditions de la prise en charge des blessés. Réagissant aux attentats, M. Barkat a affirmé : “Ce sont des actes ignobles ayant visé des femmes et des enfants.” Il a aussi réaffirmé la détermination de l'Etat à combattre les criminels et appelé à une vigilance citoyenne. Parlant avec les victimes de l'attentat, il les a assurés du soutien de l'Etat. A. DEBBACHE