Sur les bords de la principale artère de la capitale, s'est tenue, en ce mois d'août, une espèce de braderie où se vendaient bibeloterie, bijouterie de toc, fausse poterie et autres colifichets. Les étals étaient alignés sur des trottoirs pavés de carreaux de granito sales. Les rinçages quotidiens, en diluant et soulevant la saleté accumulée dans les cannelures de carrelage, ajoutaient à leur aspect crasseux. L'eau des fuites et des suintements de climatiseurs complète l'entretien à longueur de journée de cette pâteuse surface. Même si la prétention n'était pas franchement affichée, le bazar était supposé ajouter à l'attrait de la capitale en étalant sur les flancs de l'artère la plus courue d'Alger des produits de l'artisanat national. Ainsi, les visiteurs nationaux ou étrangers repartiraient avec des souvenirs qui évoquent les beaux métiers hérités de nos aïeux. Mais en guise d'artisanat, à peine quelques robes de mousse aux prétentions kabyles et deux ou trois petits lots de douteux bijoux berbères. Tout le reste, c'est-à-dire l'essentiel de l'offre est fait de “chinoisiries” en plastique simulant une poterie locale. Le vernis achève de révéler l'imposture et la laideur de ces articles “Taiwan”. Le pire est que ces étalages de vaisselles d'ornement en pastichés en Asie dissimulent les devantures de vrais magasins de vrais articles artisanaux qui paient des impôts en rapport avec un achalandage, dont ils sont privés en saison de tourisme. Pour le peu de tourisme qu'Alger peut encore s'offrir ! Plus loin, vers la Grande-Poste, sur le souterrain que plus personne n'emprunte, dans une portion de rue soustraite à la circulation pour être couverte de sable, on y organise des jeux auxquels ce genre de terrains convient. La ville, maritime, n'ayant plus de plage à présenter joue à Paris-plage ! Au fond, une tente abrite quelques personnes supposées représenter une famille targuie vaquant à ses affaires quotidiennes. On peut se demander pourquoi les montreurs de “cultures locales” n'ont pas pensé à exhiber les autres “composantes” de notre diversité socioculturelle. À moins que ce ne soit le sable qui ait inspiré ce choix. Alger-désert contre Paris-plage. De part et d'autre de l'arène, des tribunes sont dressées qui, avec le temps, couvraient une accumulation de déjections. L'odeur pestilentielle qui en émane incommodait les passants sur tout le trajet. On ne rassemble pas des centaines de personnes, durant des heures, et pendant des semaines dans un endroit où l'on n'a pas prévu des commodités pour les besoins naturels de la foule ! Le vide sous les tribunes et les jardins avoisinants ont servi de sanitaires quand le besoin se fait impérieux. Une ville qui n'a pas de toilettes publiques n'a pas à organiser des manifestations publiques de plein air. Des trottoirs lavables, en bitume ou en béton, des murs propres, des terrasses aménagées et des vespasiennes fréquentables auraient suffi à faire aimer un centre-ville suffisamment beau pour se passer de fards de pacotille et de manifestations contrefaites et plaire, simplement par sa remarquable conceptuelle, à ses visiteurs. Trop de surcharges amochent déjà les terrasses, les balcons, les façades, les entrées et les accotements. Alger est plus à nettoyer qu'à encombrer. M. H. [email protected]