Ces marchés bien qu'informels et malgré l'anarchie qui y règne, sont parfois plus utiles que d'autres. Aujourd'hui, à travers l'ensemble du territoire de Annaba, le commerce a pris une toute autre dimension pour sortir de son cadre naturel et investir les boulevards, les rues et ruelles, et même les trottoirs. Les artères autant que les grandes agglomérations urbaines ont pris des allures de souk où tout se vend et tout s'achète. A l'exception des officines pharmaceutiques et des agences de voyages, l'on peut faire provision et subvenir aux besoins ménagers sans coup férir. Certes, les marchés de proximité sont d'un apport certain pour la population, mais ils ont leur inconvénient eu égard au stress généré et aux nuisances causées aux habitants. Il faut savoir que les vendeurs ont un comportement qui irrite le voisinage immédiat, car faisant fi des règles les plus élémentaires de civisme ; les automobilistes, les clients, les grands et les petits ont souvent maille à partir avec eux à cause de leur langage de charretiers. Les marchands des quatre saisons y foisonnent, autant que ceux qui vendent des vêtements et autre lingerie fine étalés à même le sol, ou sur un semblant de tréteau. D'autres « préposés » au change attirent les clients potentiels en exhibant entre les doigts des liasses de billets de banque, tout en discutant avec ceux « versés » dans la bijouterie. A quelques pas d'eux sont installés des marchands de cosmétique de qualité douteuse et d'un essaim d'autres, qui s'affairent à écouler des produits sanitaires, phytosanitaires, et plein d'autres gadgets à divers usages. L'outillage de toutes sortes est vendu à même le sol, ainsi que toute une panoplie de semences agricole et de pousses d'arbres, sans compter les produits fermiers, allant de la volaille au lapin. En outre, la rue draine les vendeurs de téléphones portables, encore que ces derniers sont plus discrets que les usagers. L'on est alors assommé par un brouhaha généré par les discussions relevant de l'affairisme, de propos plus ou moins vulgaires, d'explications… enfin, de tout ! La rue est devenue une véritable maison de verre. Dans ce grand bazar en plein air, les semblants de kiosques à tabac poussent sur les kilomètres de pavés qui cernent la ville, sans oublier les vendeurs de tabac à priser qu'aiment généralement les vieilles personnes qui prennent leurs quartiers dans l'enceinte de la station de bus centrale d'El Hattab, en plein cœur de la grande métropole urbaine que représente Annaba. Ainsi, les trottoirs ont été usurpés, et les citoyens se voient contraints de disputer l'espace réservé à la circulation routière aux automobilistes. Faut-il parler, dans tout ce cafouillage et ce désordre, de ceux qui se proposent pour tout travail de plastification de documents officiels, ces « spécialistes » qui tiennent pignon sur rue, côtoyant les vendeurs de bibelots et autres colifichets très prisés par les jeunes, aussi bien des filles que des garçons. Il faut dire que les bambins ne trouvent plus un coin pour jouer tant ils sont frappés par les interdits imposés par les activités multiformes de ces souks autoproclamés, où même le pain est proposé à l'air libre, bien enrobé des poussières provenant des véhicules au passage incessant, en y ajoutant la « restauration », avec des fast-foods ambulants. En matière de salubrité publique, la situation est désastreuse. Les routes sont pleines de nids de poules et autres crevasses. Mais faut-il oublier, parmi tout ce beau monde qui anime le souk à ciel ouvert, ces dealers qui sournoisement font partie du décor, mais loin des projecteurs. Cependant, ils sont présents, et tout en consommant, ou faisant mine de consommer un café dans un pot jetable, ils filtrent les passants et reconnaissent leurs clients potentiels entre mille. Enfin, dans cet immense et interminable chapiteau qui abrite toute cette anarchie qu'est le commerce informel, les commentaires, les analyses, les synthèses, les fatwas sont galvaudés à tout vent, et par tout le monde.