Un tribunal de La Haye rendra demain son jugement dans la procédure opposant des survivants musulmans du génocide de Srebrenica, en 1995, à l'Etat néerlandais, dont ils accusent les militaires engagés comme Casques bleus de n'avoir pas protégé leurs proches. Selon la plainte examinée en juin, les victimes accusent le bataillon néerlandais des Nations unies Dutchbat, alors chargé de protéger l'enclave de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, d'avoir livré des réfugiés musulmans aux forces serbes de Bosnie, violant plusieurs lois nationales et traités internationaux. Les plaignants sont Hasan Nuhanovic, qui a perdu ses parents et son frère cadet, âgé de 20 ans, dans les massacres, ainsi que Mehida, Damir et Alma Mustafic, la veuve et les enfants d'un autre disparu, Rizo Mustafic. Ils tiennent l'Etat néerlandais pour responsable, car il commandait les militaires chargés de la protection de Srebrenica. “Dutchbat était chargé de la sécurité des civils”, avait déclaré l'avocate de l'accusation, Liesbeth Zegveld, lors des audiences en juin. “Ils avaient une mission humanitaire, mais ils ont agi au contraire de leurs instructions”. L'enclave de Srebrenica était placée sous la protection de l'ONU jusqu'au 11 juillet 1995, lorsqu'elle a été envahie par les forces serbes de Bosnie. Celles-ci ont ensuite chargé des milliers d'hommes et garçons de la communauté musulmane dans des camions, en ont exécuté près de 8 000, et ont jeté leurs cadavres dans des fosses communes. Ces massacres ont été qualifiés de génocide par le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie et par la Cour internationale de justice. Faiblement armés, les Casques bleus néerlandais, en charge de la zone protégée, n'avaient pas résisté. Hasan Nuhanovic, âgé de 27 ans en 1995, était traducteur pour le bataillon néerlandais, et Rizo Mustafic était employé comme électricien dans la base néerlandaise de Potocari, non loin de Srebrenica. Leurs familles s'étaient placées sous la protection des soldats néerlandais, mais affirment qu'elles ont été forcées de fuir, à la merci des Serbes de Bosnie. Cette tragédie avait provoqué en 2001 la démission du gouvernement néerlandais, deux semaines avant la fin de son mandat, lors de la publication d'un rapport d'enquête officiel établissant que les soldats de la paix néerlandais avaient été envoyés en “mission impossible”. Mais le gouvernement de La Haye a toujours affirmé que les Serbes de Bosnie étaient responsables du massacre. L'ONU a admis avoir échoué à protéger les musulmans de Srebrenica des massacres, mais personne n'a été poursuivi. En juillet, le tribunal de La Haye avait jugé, dans une procédure séparée, que les survivants des massacres ne pouvaient engager de poursuites aux Pays-Bas contre l'ONU pour avoir échoué à protéger leurs proches.